L'histoire :
« C'est drôle, ce matin, en ouvrant les yeux, une impression bizarre. Tout me paraissait différent... et semblable à la fois. Le doute en moi... Je devais vérifier cela au plus vite. Les pavés, l'impasse et le portail, tout était là. La lumière de la place de Jaude à travers les battants graphiques de la grande porte contrastait avec l'ambiance ténébreuse du porche »... Et voilà que la pensée de ce Clermontois le catapulte au temps de son enfance. Il se revoit courant à travers une esplanade déserte. Alors que le lieu est d'habitude fréquenté, il n'entend plus que le bruit de ses pas qui martèlent le sol. Il y a aussi les cris des oiseaux qui s'éloignent de lui... Sans doute va-t-il rejoindre ses copains, Fred et Manu, qui doivent l'attendre dans le parc. Il se demande aussi si elle sera là ?... Et le voici maintenant au pied de la statue de Vercingétorix. Clermont-Ferrand, sa ville et le temps qui le sépare de l'homme qu'il est devenu. Unité de lieu, distanciation temporelle... Clermont, différent...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Patrick Miramand est un graphiste professionnel. Sa passion pour la BD l'a conduit à autopublier sa première œuvre, un diptyque qui nous avait marqués : Krai Goulag, au point où il nous a paru assez invraisemblable qu'aucun éditeur ne se soit alors positionné. Six ans plus tard, sa nouvelle création tombe cette fois dans l'escarcelle des Éditions de Borée, un éditeur qui a l'avantage d'être implanté dans la ville natale de l'auteur, Clermont-Ferrand, à qui il consacre donc cette BD. C'est en effet un voyage dans l'espace-temps clermontois que Patrick Miramand nous propose, car il a mis beaucoup de lui-même dans son propos. Le petit enfant qui parcourait la ville et s'émerveillait de son patrimoine est devenu un adulte avec un œil certes attentif, mais surtout sans concession pour l'urbanisme et les choix (pas toujours judicieux, il est vrai) en matière de « développement du territoire » clermontois. Ce voyage spatio-temporel n'a rien de fictif. Au fur et à mesure que l'on parcourt avec lui les rues de la ville, du centre historique aux quartiers du vieux Montferrand, c'est aussi une cartographie mentale qui se dessine. Un brin de nostalgie, c'est évident... Mais l'auteur arrive à ne pas tomber dans l'écueil du « avant, c'était mieux ». Il y a aussi une dimension un peu sociologique qui se détache de cet album et se juxtapose à l'architecture. En observateur curieux et avisé du temps qui passe, Miramand dessine aussi les sentiments et cette forme de vivre ensemble qui a tant changé en un demi-siècle, celui qui le sépare désormais de son enfance. Evidemment, les lecteurs auvergnats auront de quoi retrouver, mais aussi redécouvrir leur capitale, mais ce n'est pas pour autant une BD de niche car le message que transmet Clermont différent est valable pour toutes les villes de taille moyenne qui se sont développées au nom du progrès et de la « modernité ».
