L'histoire :
Au moyen-âge, sur la place du village, une vieille femme fait des tours de magie avec des cartes, ce qui suscite l’admiration d’un public nombreux. Soudain, une petite voix venue du fond ose un qualificatif : sorcière ! C’est une révélation dans la foule : hé mais oui, dites-donc-dites-donc, ça serait-y pas une sorcière, du coup ? Dès lors, la machine populiste s’enchaine : elle est arrêtée, torturée et soumise à la question. Elle nie, mais refuse de révéler ses trucs, parce qu’un magicien ne divulgue jamais ses trucs. L’évêque parvient pourtant à négocier : si elle lui apprend un tour, il la libèrera des accusations de sorcellerie qui pèsent sur elle. La sorcière lui décortique alors un tour de carte, et la voilà aussitôt affranchie de toute justice divine. En revanche, l’évêque la livre à la justice des hommes, pour escroquerie sur la voie publique. Le seigneur local la condamne à la décapitation. La tête sur le billot, la femme professe une malédiction, qu’elle termine de prononcer alors que sa tête a été tranchée par la hache du bourreau : que vos stupides récoltes se fanent, que vos enfants tombent malades et que vos cheveux frisent ! Dont acte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
B-Gnet (de son vrai nom Florent Bovagnet) a une figure de proue en ligne de mire : Daniel Goosens. L’humour absurde et subtil dont il fait preuve à travers ses historiettes tend vers le registre de ce maître, autrefois grand prix d’Angoulême. Même son dessin semi-réaliste et expressif a des notes de Goosens, tantôt à travers une tronche de naïf lunaire, tantôt parce qu’il soigne des arrière-plans ou des costumes tout à fait sérieux – signe distinctif de l’artisan du 9ème art qui aime son métier. Les éditions Lapin font honneur à cet auteur complet en rééditant cet album publié par Arrrg! en 2015. Bonsoir rassemble les historiettes jadis publiées dans le bimensuel Aaarg!, mais pas que. A l’instar de la couverture, dérivée de l’affiche de l’exorciste, B-Gnet peut se saisir d’à peu près n’importe quoi pour inspiration première, qu’il malaxe ensuite tendrement à la sauce parodique, jusqu’à obtenir une contre-démonstration par l’absurde. Ici le principe des procès en sorcellerie et l’expression du panurgisme crasse ; là le ridicule de la condition de vampire. Mais il parodie aussi la bête du Gévaudan, les Kaiju (monstres géants), le monstre de Frankenstein, The Thing, le ressort de l’invasion de zombies… ou presque. Souvent chatouillé par le répertoire fantastique, B-Gnet évite de verser sous la ceinture ou dans les facilités humoristiques. On s’esclaffe régulièrement, l’humour est toujours sous-jacent, un outil du propos de fond. Patiemment, B-Gnet forge sa renommée...
