L'histoire :
En 1961, Paul Galland est soldat en Algérie, alors en pleine guerre civile. C'est un élément obéissant, endurci, sans scrupule, qui a pas mal d'expérience, aussi bien sur le terrain qu'en « sous-sol »... Il est blessé au moment où il apprend de son supérieur l'imminence des accords d'Evian, signant la fin du conflit et offrant l'autodétermination aux algériens. Il retourne à une vie civile médiocre en France, frustré et malheureux : l'armée, c'était toute sa vie et il exècre les « bougnoules ». Aussi, est-il ravi lorsque 2 ans plus tard, l'ancien lieutenant Charrière le recontacte et lui propose une embauche au sein du « Service ». L'officine para-gouvernementale qu'il est en train de mettre sur pied, sans légalité, aura pour but de lutter contre l'ennemi révolutionnaire venu de l'intérieur. Evidemment, Galland accepte. Il se montrera très efficace et prendra vite du galon. Pendant ce temps, à la fac, trois étudiants, Edith, Michel et Luc, se rejoignent sur leurs idées communistes. Michel est tellement radical, qu'il accepte de faire l'armée pour mieux espionner les méthodes fachos et en trouver les failles. Ils organisent des réunions et des débats et rallient de plus en plus de monde à leur cause...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Déjà co-scénaristes des Quatre de Baker Street, Jean-Blaise Djian et Olivier Legrand livrent ici le pilote d'une série de 4 tomes à la frontière du journalisme et de la fiction. Fortement enraciné dans l'histoire sulfureuse de notre 5ème République, le mystérieux Service ciblé par l'intrigue ressemble en effet furieusement au SAC (Service d'Action Civique) mis en place sous de Gaulle pour « nettoyer » ce qui gênait les directions prises par l'Etat français (on lui impute assassinats, tortures et enlèvements). L'officine dont il est question dans cette politique-fiction semble donc fort peu fantasmée, proche des exactions totalitaires dénoncées par les analyses journalistes d'aujourd'hui. Aucun acteur authentique n'est certes concrètement mis en cause, mais la proximité d'un certain personnage avec une figure politique de la période est assez troublante... Au dessin, Alain Paillou livre un trait semi-réaliste sérieusement besogné, en tous cas parfaitement limpide pour suivre au mieux les basses œuvres de cet escadron de la mort top-secret. Le récit se découpe en 3 chapitres chronologiques : de 1961 et les « évènements » d'Alger, jusqu'aux manifestations de mai 1968, en passant par une période transitoire où se constituent les forces en présence : la révolution étudiante d'un côté, l'organisation du mystérieux « Service » d'autre part. On suit alternativement ces deux trames jusqu'à leur confrontation tragique. Les trois épisodes à venir focaliseront sur des périodes ultérieures, avec pour fil rouge, semble t-il, l'évolution du sulfureux agent (fictif) Paul Galland au sein du Service. Cet axe narratif est astucieux car, une fois n'est pas coutume, les lecteurs sont contraints de devoir se mettre dans la peau d'un sacré facho...