L'histoire :
Dans l’objectif de construire un centre commercial, des ouvriers défrichent et ratiboisent radicalement la forêt primaire de la jungle précolombienne, à l’exception d’un minuscule terrain d’environ 1m². Car un indien et sa famille vivent là depuis toujours et refusent de partir. L’indien obstiné reste là durant toute la durée des travaux et ils sont toujours là lorsque le centre commercial est exploité et la ville construite tout autour. Son terrain d’1m² se trouve précisément sur un emplacement au sein d’un gigantesque parking. Un consommateur qui cherche une place lui demande : « vous partez ? ».
Des copains de lycée sont étonnés de voir leur pote arriver avec un drone au-dessus de sa tête. Il explique que c’est sa mère qui est flippée, et qui lui impose une surveillance de chaque instant. Les copains se demandent si, de fait, sa mère les voit aussi… Une voix venue du drone répond : « Bien sûr, les garçons ! » Elle a même vu qu’ils fumaient un joint ; la vidéo a d’ailleurs d’ores et déjà été transmise à leurs parents. Plus tard, Sarah Berton recevra le césar du meilleur film pour 24h dans la vie de mon fils…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La satire exacerbée et délirante jusqu’à l’absurde de notre société moderne – de consommation, polluante, contre-productive, superficielle – se poursuit toujours avec la même méthode et la même efficacité. Emmanuel Reuzé, Vincent Haudiquet et Jorge Bernstein s’emparent tout d’abord d’un sujet et d’une situation, dessinés dans une case réaliste chiadée. Puis la case est dupliquée à l’identique, avec des dialogues évidemment différents, jusqu’à une case finale nouvelle, qui assène la chute outrancière et bidonnante. La duplication des cases n’est pas une fainéantise, elle se traduit par un effet d’immobilisme et d’acceptation lamentables vis-à-vis d’une problématique sociale en train de virer au tragique. Ce 5ème opus écorche ainsi cette fois, diversement et dans le désordre : la politique des retraites, la nécessaire transition écologique dont on ne s’occupe pas du tout, le mobilier urbain anti-clochard, les interfaces d’aide personnelles, la robotisation, les influenceurs, la simplification des procédures, la société d’ultra consumérisme, l’esclavagisme au travail, l’écoterrorisme, la e-mendicité, la dronisation, la rentabilité à tout crin… Tous les paramètres de notre modernité en prennent pour leur grade. L’objectif n’est pas d’être moralisateur, mais de pousser nos nouveaux us et coutumes jusqu’à l’excès pour faire réfléchir sur de possibles déviances finales. C’est pertinent et finement drôle, mais on rit quand même très jaune.
