L'histoire :
En 768, les servantes de Berthe-aux-Grands-Pieds la préviennent qu’un courrier du Pape Etienne II lui étant destiné a été « malencontreusement » ouvert par son époux, Pépin-le-Bref, roi des francs. Berthe n’est pas ravie-ravie et s’en va passer un savon à Pépin. Elle le découvre alors dans sa chambre, mort d’une crise cardiaque, à la vue du courrier en question : c’est un tableau géant la représentant nue dans un bain en compagnie d’Etienne II qui lui pince le téton. Le roi est mort, ses fils Charlemagne et Carloman lui succèdent légitimement. A l’époque, tandis que Charlemagne entretient une relation épistolaire avec Himiltrude de Soissons, son frère Carloman invite le roi de Norvège Jarl Krigshammer à une bataille épique. Carloman affirme avoir une armée de 7 000 cavaliers capable d’intervenir à tout moment et il donne rendez-vous à Krigshammer le lendemain matin au pied des murailles. Le danois prend peur et replie aussitôt son armée vers le royaume saxon. Il n’imaginait pas que Carloman parlait d’une quête avec des figurines miniatures, façon jeu de rôle. Cela dit, l’époque est barbare et les hivers sont rudes. Le peuple franc se caille les meules, grave, et Charlemagne n’y peut rien faire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rions un peu avec le haut-moyen-âge. Tout le monde a appris à l’école que c’est Charlemagne qui l’a inventée (l’école, pas le haut-moyen-âge), mais peu de scénaristes férus d’Histoire mettent en BD cette époque relativement rustique et féroce. Fils de Pépin-le-Bref, dernier roi mérovingien, Charlemagne est pourtant considéré comme l’un des premiers à dessiner des frontières européennes, père d’une lignée de rois appelés les Carolingiens qui dura près de 200 ans. Mais à travers cet album en one-shot, l’auteur complet Pierre Place ne cherche pas exactement à nous abreuver de rigueur historique. Les protagonistes sont certes tous authentiques : le pape Etienne II, Loup II de Vasconie, Désirée de Lombardie... Mais les Carolingiens sont surtout un canevas de fond, plus volontiers une farce, pleine d’humour décalé, de concepts anachroniques et de blagues absurdes, assénées en bon françois bien contemporain. La psychologie des personnages est un bon indicateur : Berthe est nymphomane, Roland complètement neuneu (avec un seveux sur la langue), Charlemagne un grand couillon passionné par l’andouillette et fleur-bleue vis-à-vis de ses épouses… Surtout, Pierre Place a le sens de la mise en scène et de la caricature sacrément pointus. Ses personnages ont des tronches, ses décors sont soignés, ses angles subtils et profonds, et il y a de nombreuses « animations » détaillées et truculentes… Quel dessinateur ! Les différentes historiettes répondant au système de prépublication de Fluide Glacial sont en outre ponctuées par la correspondance de Charlemagne, sur papier parchemin, à mourir de rire.
