L'histoire :
Prunelle aimerait bien sauver la planète. Oh ! Pas en s’imaginant un quelconque superpouvoir. Non simplement en faisant vibrer sa fibre écolo ou tout simplement son bon sens : trier ses déchets, faire attention à ne pas gaspiller l’eau, utiliser le vélo plutôt que le 4 x 4… Bref une manière de vivre plus honnêtement avec Dame Nature en tentant de la préserver. D’ailleurs, en parlant de « nature », elle ouvre prochainement un cabinet de naturopathie : son banquier lui concède enfin le prêt tant attendu. Il faut bien entendu que l’affaire soit rentable, mais Prunelle a confiance. Sa mère, à qui elle fait chaque soir au téléphone le compte rendu détaillé de sa journée (anecdotes nombreuses à l’appui), aurait préféré qu’elle utilise l’argent de la banque pour ouvrir un pressing : peut-être moins écolo, mais certainement plus rémunérateur. Mais ce qui définit le mieux notre Prunelle, c’est son incroyable prédisposition aux catastrophes : gaffes, boulettes, bévues, quiproquos et manipulations dangereuses de la langue française, l’entrainent quotidiennement dans des situations périlleuses. Jamais rien ne se fait comme il faut. Occupée par son projet professionnel, les problèmes de tuyauteries évoqués par l’assemblée des copropriétaires ou le vol de sa bicyclette, notre naturopathe n’a pas fait attention qu’une série TV à succès faisait le récit de ses piètres exploits. Etrange non ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les grognons pourront sûrement dire que l’ouvrage est à réserver aux fans de l’auteur. Pourquoi pas ? Il est, en tous cas, incontestablement recommandé aux sensibles. A ceux qui, sous la broussaille grossière du trait et la colorisation déroutante, faibles armures pudiques, ou qui, au détour d’une réplique tordante, laisseront le récit les toucher. Car même si on se laisse généreusement faire par le numéro de clown de Prunelle, on ne manque pas de trouver chez elle de nombreuses raisons de se laisser attendrir. Qui après avoir bien ri de cet enchainement cocasse d’événements, de gaffes et de quiproquos, n’aura pas, en effet, envie de partager le ras-le-bol né du vilain tour qui vient de lui être fait ? Il faut bien reconnaitre que notre écolo-naturopathe excelle dans l’art de la loose. Bien admettre qu’entre ses « fourchages » de dictons, ses voisins, sa mère, sa bonne copine, son étonnant banquier et le petit prof, elle a bien du mal à ne pas prêter le flan à nos moqueries. Au bout du compte, le récit permet tout de même de dépasser la première impression. Un peu comme si, après avoir éclaté de rire en regardant le quidam se vautrer de tout son long, on commençait à imaginer qu’il ait pu se blesser un chouya. Voilà ce qu’il nous reste au bout de la soixantaine de planches, impatients de connaitre la suite et de voir cette gentille de naissance enfin récompensée. Comme il sait si bien le faire, Didier Tronchet distille cette petite comédie sociale vaudevillesque avec brio. On apprécie en particulier, comme toujours, la qualité des dialogues, la truculence des protagonistes, la fluidité de la narration qui savent transformer une intrigue simplissime en un moment captivant. Et quand on aime le style, on rit allégrement des quiproquos, mélis-mélos linguistiques et autres trouvailles bien senties. Mais surtout et encore, on se laisse gagner par cette sensibilité communicative dont l’auteur nous abreuve, sciemment ou pas.