L'histoire :
Un homme traverse un hangar désert, qui ressemble plus à un labyrinthe qu'à autre chose. Il finit par en ressortir, avec un bidon d'essence duquel il ne tire que quelques gouttes. Il prend la route, accompagné d'une belle jeune femme tirée à quatre épingles. Celle-ci n'est étonnée de rien. Elle connaît beaucoup de choses sur l'homme, à commencer par son prénom, Achille. La voiture roule dans un décor post-apocalyptique désert. Après un échange de cigarettes, Achille essaie de se concentrer pour répondre à la demande de la jeune femme : il doit se souvenir. Mais de quoi ? Il ne s'en souvient pas... Elle, en revanche, sait tout de lui, de sa vie, sa jeunesse... Alors que la nuit approche et qu'ils doivent se reposer, Achille doit chercher de l'essence pendant que la jeune femme s'installe dans un hôtel. Mais Achille rentre dans une librairie et choisit une série de BD. Il oublie l'essence. A l'hôtel, la réceptionniste l'amène à sa chambre, sa propre chambre d'enfant... et le lendemain, heureux de son choix, il est prêt à repartir...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un amateur de voitures, bricoleur de génie et fan de bande dessinée, sillonne le purgatoire en essayant de se souvenir de sa propre mort... Ça doit commencer, forcément, dans un décor digne de Mad Max, un désert sans pétrole, où les héros se déplacent dans le désert à la recherche de carburant. L'histoire imaginée par Fred Bernard est intéressante : un polar écologique, mâtiné d'espionnage, sur fond de science-fiction. Ou peut-être est-ce l'inverse ? Il mélange les genres avec bonheur et assène un certain nombre de clins d'œil à ses glorieux anciens. La narration est fluide et les verrous sautent les uns après les autres dans la mémoire d'Achille. Le lecteur, lui, est suspendu aux mots de l'ange gardien d'Achille, qui distille les informations. D'emblée, on est plongé dans une atmosphère étrange, parfaitement posée par Benjamin Flao. Le nantais multiplie les références, son trait emprunte aux plus grands, de Moebius à Druillet en passant par Pratt (l'ange lui doit beaucoup, ou est-ce à Goossens ?) C'est beau, parfois à la limite du grandiose. Ce one shot onirique, aux paysages immenses et aux constructions complexes repose sur le dépassement du rapport à la mort du héros et de sa capacité à regarder ses erreurs en face : on goûte la polysémie du mot « essence », carburant ici hautement philosophique... La chute est peut-être un poil convenue mais on s'en fiche, car ici, c'est le procès qui intéresse, et il est diablement réussi.