L'histoire :
Au sein d'une grande entreprise d'analyses financières de Tokyo, la jeune Mayumi s'est entichée de Satoshi Okada, jeune cadre dynamique plutôt bien vu du patron – et beau gosse, pour ne rien gâcher. Seule ombre au tableau : il est marié et père de famille, mais il passe étrangement souvent plusieurs semaines loin des siens. Mayumi ne manque pas de charmes non plus et elle a déjà réussi à le coucher dans son lit, lors de trop rares nuits d'amour dans leur « love hôtel ». Elle espère qu'il tiendra sa promesse de divorcer... mais ces derniers temps, il s'éloigne au contraire de plus en plus d'elle. Pour le faire enrager, elle invite donc son collègue Junichi, le rival jaloux, mesquin et bedonnant de Satoshi. C'est évidemment un désastre et la perspective de ce rencard laisse Satoshi de marbre. Au bureau, Satochi se livre à un curieux manège, a priori en accord avec l'austère Monsieur Ota, le patron, depuis une mystérieuse soirée karaoké : il a le droit de quitter à 15h30 le vendredi, officiellement pour rejoindre sa famille. Chiyoko, la meilleur amie de Mayumi, sait très bien qu'il n'en est rien, elle qui l'a suivi jusqu'à la porte d'une autre charmante jeune femme, à qui il offre des fleurs... Satochi serait-il donc un pur salopard ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les auteurs sont français, l'éditeur aussi... et pourtant, c'est bel et bien un manga-comme-si-c'était-fait-là-bas que nous concluent ici Sylvain Runberg et Olivier Martin. Pour preuve de qualité certifiée : le premier tome a reçu un prix d'excellence à l'international manga awards (décerné par Ministère des Affaires Etrangères du Japon) ! Il faut avouer que Runberg livre sans doute ici, carrément, son meilleur scénario (et pourtant, il en a déjà fourni des sacrément bons). Dans ce second tome, l'histoire d'amour tourmentée jusqu'alors mise en place surpasse largement le cadre de la bluette. Primo, le sujet offre un focus sociétal passionnant sur les affres de la vie moderne à Tokyo : l'ambiance au couteau dans les grandes entreprises, les vraies-fausses déférences entre collègues, les soirées beuveries « obligatoires »... et bien plus encore, que nous tairons pour préserver le suspens. En outre, la narration joue de manière jubilatoire avec les fausses pistes : régulièrement, on croit accéder à des révélations définitives sur les mentalités et comportements des protagonistes, et régulièrement, on tombe de haut en découvrant la vérité. Runberg joue somptueusement avec nos nerfs et notre morale. On défie quiconque de deviner le dénouement. Cerise sur le gâteau : Olivier Martin déroule un crayonné semi-réaliste juste et élégant, rehaussé d'un lavis sobre du meilleur effet. A travers sa griffe, les plongées dans le tumultueux Tokyo sont aussi exquises que Mayumi est craquante, quand elle nous regarde droit dans les yeux. Ses traits sont tantôt tout simples, mais invariablement judicieux ; ses cadrages toujours subtils ; le rythme de son découpage savant termine de conférer le ton idoine à cette histoire tragique. Vraiment, Face cachée est une histoire brillante, aussi émouvante que surprenante, qui mériterait d'être AUSSI reconnue sous nos longitudes...