L'histoire :
De nos jours, dans l’archipel de Lamu au Kenya. Naïm, 11 ans à peine, préfère la rue et la magouille à l’école coranique dans laquelle son frère Hassan voudrait qu’il étudie quotidiennement. Depuis quelques jours, tout semble s’agiter autour du gamin. Il y a ce capitaine allemand qui s’est vu intimer l’ordre par la police de rester à quai après avoir largué au large une mystérieuse cargaison. Il y a Jahid qui trafique des drogues dures pour alimenter un jeune français. Il y a des prometteurs immobiliers en passe de réaliser une opération juteuse au détriment de l’environnement. Et puis il y a surtout le vieil Ali, dernier gardien de la sépulture du légendaire géant, Liongo Fumo qui, chassé de sa terre, est déterminé à trouver un nouvel abri au héros ancestral. Un concours de circonstances conduit Naïm à se retrouver entre les mains du vieil Ali qui a volé le bateau dans lequel le gamin se trouvait. Jahid, qui avait pris la mer avec Naïm pour effectuer une « livraison », se trouve dans l’obligation de trouver une nouvelle embarcation. Il enrage en particulier d’avoir à la fois perdu l’enfant et le gros paquet de poudre qu’il avait planqué dans le bateau. Au port, Hassan et sa tante commencent à s’inquiéter de l’absence de Naïm, tandis que Jean-Michel s’impatiente de ne pas avoir encore reçu la commande promise par Jahid. En mer, en tous cas, Ali ne s’en fait pas : il vogue avec les ossements de son héros. Et pour soigner une blessure à la jambe, il s’applique un drôle de médicament...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une jolie baffe en appelle souvent une seconde, pour peu qu’on ne se soit pas fait prier pour tendre ostensiblement la joue… Préparez donc la droite ou la gauche, pour suivre avec envie ce deuxième volet une nouvelle fois griffé d’un sublime dessin. Mise en couleurs joliment imbibée, détails des décors ou des paysages travaillés patiemment (comme on le fait d’un carnet de voyages), incroyables scènes maritimes, jeu des lumières, spontanéité, impact des émotions… Tout happe avec force à fleur de peau, captant tantôt notre sensibilité multiforme, adrénalisant notre empathie ou maniant violemment notre curiosité. Voilà le véritable rôle du dessin : plus que plaquer une réalité photographique, il dresse notre sensibilité. Au-delà, le récit-chorale si habilement préparé par la première partie poursuit sa course ininterrompue : au sommet des vagues, en compagnie de notre attachant Naïm et du vieil Ali ; à fond de cale avec une bande Shebabs énervés ; à quelques heures du dernier voyage du « Nacuda » ; dans les salons de quelques ex-pat aux sombres projets ; le nez dans la poudre ou prêt à tomber raide amoureux. Usant d’une narration dynamique et fluide, le récit nous porte aisément. On suit ce microcosme grouillant, scotché de connaitre ce qui l’attend. On se ballade dans ce fabuleux archipel de Lamu, impatient d’y voyager. Surtout, on partage l’empathie intelligente proposée par Benjamin Flao. Celle qui refuse tout misérabilisme pour exposer la réalité et préfère qu’on s’attache à l’humain. Pour autant, il balaye très justement l’ensemble en superposant aux intrigues individuelles captivantes de chacun, un large panorama des problématiques contextuelles du pays : néo-colonialisme, affairisme ; trafic ; pauvreté ou montée en puissance de l’islamisme radical, sont très justement évoqués. Le tout saupoudré de légende, mais surtout implacablement vivant. Seul petit regret : le choix d’avoir éteint la lumière sur les routes de plusieurs des protagonistes (en particulier celle de Günther, le capitaine allemand magouilleur), pourtant appétissantes à souhait. Mais c’est toujours la même chose quand c’est si savoureux et si bien fait. On aimerait demander, comme dans l’ancienne pub pour un biscuit au chocolat : « Dis monsieur ! Tu pourrais pas les faire un peu plus longs ? »