L'histoire :
En prenant le sillon de La Colonne expéditionnaire menée par le capitaine Paul Boulet et le lieutenant Julien Lemoine, qui doit rallier le Tchad, le colonel Klobb ne trouve plus de mot pour décrire ce qu’il voit : les deux militaires, leurs comparses, épaulés par une grosse poignée de tirailleurs sénégalais, ont donné du canon, du sabre et du fusil pour massacrer. Villes mortes succèdent aux paysages dévastés, aux corps démembrés en putréfaction et laisse dans l’atmosphère une odeur qui révulse même le plus expérimenté des combattants. Boulet, quant à lui, ne nourrit aucun état d’âme. Et s’il prend à l’idée d’un de ses subordonnés la tentation d’une jérémiade, il ne lui laisse même pas le loisir d’une démission : il le renvoie. C’est ainsi que le lieutenant Péteux est débarqué. Il pousse même le bouchon plus loin pour éviter d’avoir à se justifier. Ou pire, à renoncer : il coupe définitivement les ponts avec le gouvernement français en refusant toute communication avec lui. Et puis, tant qu’à faire, il décide brusquement de franchir les lignes anglaises, quitte à s’attirer de gros ennuis. La route du nord est en effet trop désertique et il ne voudrait pas manquer l’occasion de couper des têtes autochtones…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Elle avance la sordide Colonne. Elle barbarise, éventre, décapite à un rythme halluciné… Dernier stade de la syphilis et méningo-encéphalite galopante aboutissant à la démence ? Engrenage sanguinaire trempé d’irréversibilité ? La raison a besoin de s’accrocher à un peu de substance pour comprendre ce que l’Histoire a préféré taire de cet épisode tragique du colonialisme français… Boulet et Lemoine, caricatures à peine grossie du triste duo Voulet-Chanoine, poursuivent dans cette seconde partie leur triste périple vers le Tchad. Les anglais ? Ils s’en foutent. La hiérarchie ? Ils la conchient, la trucident. La France ? Ils l’emmerdent. Et le Tchad, ils lui voleront. Seule, peut-être, une princesse rebelle et sorcière, trimbalant un collier de bites autour du cou, leur donnera du barbelé à retordre et de grosses gouttes sur le front. Décidés jusqu’à la mort, enturbannés par leur folie et l’immobilisme de leurs compères. A moins que quelques tireurs sénégalais… Sertie par une narration décalée, volontairement caricaturale pour mieux faire avaler la rasade de vitriol, cette deuxième partie mêle, avec une subtilité dérangeante, abominable et ironie. Un peu comme s’il s’agissait de mieux marquer du sceau de l’impossible, en une mise en scène outrancière, une monstrueuse réalité et son corollaire colonialiste nauséabond. Au final, l’ensemble réussit parfaitement à mettre mal à l’aise, en laissant constamment le lecteur dans la difficile position de savoir s’il doit s’amuser de cette caricature noir-corbeau ou rougir de honte en s’humectant l’œil des couleurs lumineuses du dessin. Il y a donc du parti-pris dans ce récit. Un parti-pris qui s’interdit le reportage historique plat, mais dont le relief humoristique halluciné pourra déstabiliser...