L'histoire :
Louis Meunier est un ouvrier résigné et consciencieux, travaillant à la chaine dans une usine d’équarrissage de poulets. Son job : couper la tête du poulet, d’un coup sec de hachoir, et la passer à son voisin. Ce jour là, il vient au secours de Suzanne, secrétaire en second du DRH Blanchard, que des abrutis de collègues harcellent un peu trop, alors qu’elle a exceptionnellement quitté son bureau pour la chaine. Tous deux écopent d’une convocation dans le bureau de Blanchard… et en profitent pour tomber amoureux. Suzanne ne manque pas de lui présenter son frère Jean-Claude, lequel surprotège sa sœur et travaille aussi à l’usine, en tant que contremaître. Louis et Suzanne ne peuvent jamais avoir un moment d’intimité sans ce chaperon omniprésent, primitif, lourdaud et… presque menaçant. Ils parviennent néanmoins à se marier, à emménager dans leur appartement et à avoir un bébé, Pauline, qui connaît de sérieux problèmes de santé. En effet, étant donné qu’elle refuse de se nourrir, elle passe les 5 premières années de sa vie sous perfusion, à l’hôpital. De quoi miner durablement la vie du couple. Un jour, Jean-Claude propose une combine lucrative à Louis, car il est temps qu’il augmente ses revenus pour subvenir aux besoins de sa fille. Il amène Louis à l’entrée d’un container, derrière une casse automobile. A l’intérieur, se trouve un homme paniqué, attaché à poil sur une chaise. Louis a pris des outils. C’est à lui de jouer désormais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La voix off du héros narrateur (Louis) commence par quelques considérations sur la place de l’ouvrier dans la société, comme une chronique syndicale teintée de politique. Et puis lentement, l’histoire dérive vers le thriller social sordide, limite parodique. Tout au long des 145 planches qui composent ce one-shot, le ton demeure dans cet entre-deux peu commun. Le scénariste Aurélien Ducoudray évolue donc bien en dehors des sentiers battus, sans chercher à être ni moralisateur, ni spectaculaire… ni tout à fait palpitant non plus. Car bien malin celui qui cernera la démarche centrale choisie pour cette histoire, qui s’inspire aussi bien de la lutte de classes que de C’est arrivé près de chez vous. Le titre, « La faute aux chinois », aide pourtant à clarifier le propos : les séquelles micro-économiques de la mondialisation pourraient-elles mener aux pires extrêmes ? Une thématique forte se dégage aussi des rapports familiaux complexes : la fille qui refuse de se nourrir, l’épouse ambitieuse, le beau-frère étouffant, la recrue « adoptive »… Reste que le lecteur est souvent libre d’interpréter les non-dits et les nombreuses ellipses ; il y a notamment peu de scène gore, en dépit des méthodes et de la quantité de victimes commises par ces tueurs en série. De son côté, François Ravard adopte un dessin rehaussé d’un lavis sépia, empruntant un trait plus moderne, rapide ou spontané (rayez la mention inutile) que sur ses précédents Le portrait et Hamlett 1977. Au final, voilà un one-shot à la marge, un peu bizarre par son fond, mais assurément intéressant…