L'histoire :
Après s’être enfui de chez lui et avoir quelques temps zoné, volé et fumé autour du quartier du port, Nelson, un gamin des bidonvilles, est séquestré au fond d’une remise. C’est Phil, un vieux pêcheur malade trafiquant le requin avec les restaurateurs, qui le retient : le gamin s’est mis en travers de sa route alors qu’il tentait d’attraper des chiens errant et servant d’appât dans la pêche au squale. Phil ne sait pas trop quoi en faire... Alors de bon matin, le gamin se retrouve au fond d’une barque, bâillonné et pieds liés. Au large, Phil sait que Nelson ne peut s’échapper et surtout que personne ne risque de l’entendre. D’un coup vif et précis, d’une main ferme, saisissant sa machette sans trembler, le vieil homme, habitué à dépecer des bêtes de plusieurs mètres… arrache le bâillon et libère le gamin. Ce dernier pense aussitôt que le maniaque en veut à sa virginité. Ça amuse plutôt le pêcheur qui lui explique son idée : faire de lui son assistant et partager les gains de cette activité illégale ! De retour chez lui, il l’habille, le nourrit copieusement et lui apprend qu’il sait que la police le recherche. Nelson semble ne plus avoir d’autre choix. Il se confie même un peu au vieux bonhomme, en lui racontant comment il s’est échappé de la famille d’accueil à laquelle il avait été confié après que sa mère ait tué son père.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Inspiré d’un authentique fait divers, le récit mis en place par Stéphane Presle et Jérôme Jouvray trouve ici son issue pour une photographie mettant au premier plan deux laissés-pour-compte vivant sur l’île de la Réunion. Tendue à bloc par une première partie jouant habilement sur la corde du désespoir, l’intrigue menée à grands renforts de flashbacks nous laissait présager du plus sordide à chaque feuillet. Qu’avez donc pu faire ce gamin (les planches finales nous mettaient tout de même un brin sur la piste) ? Que lui voulait le vieux et peu rassurant pêcheur de requins ? Pour le coup, les planches finales nous inquiétaient vraiment... Cette conclusion offrira aux quémandeurs d’oxygène les goulées attendues en s’interdisant le plongeon dans le noir complet et sans issue. Pour autant, on en ressort à demi-déçu : la narration (et l’efficacité des flashbacks) fonctionne nettement moins bien. Les longueurs s’accumulent, tout en laissant des blancs... Et le final laisse bigrement sur sa faim. La relation qui se noue entre les deux protagonistes ne parvient pas à redynamiser notre intérêt, en raison de sa faible capacité à nous toucher réellement (les deux personnages sont finalement et irrémédiablement trop pudiques). On continuera alors de comprendre comment l’un et l’autre se sont retrouvés dans ces situations. On les suivra tenter une autre aventure, on saluera l’habilité du contraste servi entre ciel bleu et misère sociale dévastatrice… Manque seulement une conclusion pétante liant le tout ou une empathie addictive nous accrochant les yeux fermés. A l’inverse, on se réjouira pour les yeux de l’excellent travail du dessin et de la colorisation, capables de porter l’émotion ou le rythme avec une incroyable élégance.