L'histoire :
Aurélien Ducoudray et Jeff Pourquié, deux auteurs de bandes dessinées, réalisent un reportage sur la psychiatrie et plus particulièrement sur un établissement, la Chesnaie, qui fait figure d’OVNI en prônant un concept différent des autres établissements. Effectivement, la clinique psychiatrique est construite sans mur d’enceinte, avec comme credo l’ouverture au monde extérieur en maintenant une frontière invisible pour les patients et le personnel soignant. Après plusieurs kilomètres à travers champs et quelques hésitations sur le bon fonctionnement du GPS, nos deux auteurs reporters se garent devant l’établissement. Désorientés par l’architecture des lieux, la jugeant entre une colonie ultra-orthodoxe en Cisjordanie et une cabane hippie aux USA, nos deux protagonistes entrent dans un local qui ressemble à un bar. Dans l’incapacité de déterminer qui est malade et qui est personnel soignant, ils se joignent à un groupe de discussion. Puis ils sont baladés de réunion en réunion pour comprendre le fonctionnement de l’établissement et sont confrontés de façon plus ou moins maladroite aux patients. Un fait divers vient secouer le quotidien de la première population : le percolateur de la machine à café vient de casser et Jeff est déjà mis à contribution pour faire un mode d’emploi dessiné de la machine à café. Ils étaient venus pour observer, ils découvrent petit à petit que dans ce lieu, on apprend les uns des autres...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Troisième population fait partie de ces ouvrages qui, quand on ouvre la première page, n'indique rien sur la direction que vont nous faire pendre les auteurs. Un ouvrage sur la psychiatrie, mouais. Les auteurs sont effectivement en immersion dans un centre spécialisé, ok. On feuillette l’ouvrage, le trait est beau dans un style réaliste, avec des planches en noir et blanc et parfois des planches colorées en aquarelle, tirant vers le gris. L’œil s’arrête sur une case qui n’est pas comme les autres, le trait n’est pas le même, apparemment l’auteur a inséré des cases d’autres dessinateurs moins experts... mais l’idée est à première vue bonne. Il n’en fallait pas plus pour intriguer et se lancer dans la lecture de l’album. L’ouvrage, malgré ses 111 planches se dévore très rapidement. Les auteurs nous emportent dans leur aventure. Aurélien Ducoudray, le scénariste, a réussi à trouver le ton juste pour parler des maladies psychologiques. Le scénario n’a pas dû être facile à mettre sur papier, en raison de la problématique du secret médical. D’ailleurs, l’auteur exprime ses doutes dans les planches de l’album. Le récit dégouline d’authenticité. Le lecteur partage les moments de doute et sourit sans moquerie au détour d’un jeu de mots, d’une situation cocasse ou d’un visage reconnaissable entre mille. C’est extrêmement bien ficelé. Quant au dessin, Jeff Pourquié livre un album de belle qualité en mélangeant les styles, le noir et blanc, l’aquarelle, la couleur, le crayonné en gardant toujours une constante réaliste dans les personnages. C’est vraiment très joli. Ce qui est exceptionnel avec ce type d’ouvrage, c’est que l’on ouvre la première page avec quelques a priori et on le referme ravi du beau moment qu'on vient de partager. Nous ne pouvions pas clore ce papier sans avoir une grosse pensée pour le personnel de la clinique, débordant d’énergie, qui apporte et échange des moments de vie afin de la rendre plus belle aux malades. Merci.