L'histoire :
Jane est une marchande ambulante de gaufres, sa petite baraque est posée face à la plage à Kingsdown, petite ville du sud de l'Angleterre. En fin de journée, elle vient troquer une de ses gaufres, les meilleures de la région, contre un verre au comptoir du pub de Donald. En cuisine, sa femme Bea, atteinte de la maladie de la Tourette, hurle des jurons mais gère parfaitement la préparation des plats. Donald est inquiet pour Emma, la fille de Bea, une ado en plein tourment, l'idée lui vient alors de proposer qu'elle vienne travailler avec Jane. Il y a plus de vingt ans de différence entre la quadra et l'ado de dix-sept ans, mais Emma va s'intéresser au travail de cette femme qui vit seule, prépare le soir la pâte qui suit la recette léguée par sa mère, et lui apprend avec patience le temps de cuisson parfait pour que la gaufre soit délicieuse. Un lien se tisse entre les deux femmes, Jane se souvient de son adolescence lorsqu'elle vivait avec son parrain, tatoueur à Londres, qui l'avait prise sous son aile à la mort de ses parents. Les sorties en boite, les rencontres rapides avec les garçons, et un puis, un jour, un test de grossesse qui va complètement changer sa vie. Sans en avoir l'air et par petites touches, Emma va découvrir les secrets cachés de Jane.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec des aller-retours entre les années quatre-vingt et l'époque actuelle, Michel Constant trace un double portrait de jeunes femmes anglaises qui expérimentent la dureté de la vie avec leurs difficultés personnelles, dans une société qui ne fait pas de concession. Du parrain tatoueur à Donald le patron du bar, tous les proches des héroïnes sont des personnages humains et sympas, préoccupés du bonheur apparemment impossible de leurs enfants. On retrouve d'ailleurs à la fois la petite ville, le bar et certains des personnages de La Dame de Fer, paru en 2017. L'auteur nous amène par flashbacks successifs à découvrir ce qui est arrivé à Jane après la découverte de sa grossesse, et on comprend petit à petit son regard triste et la solitude qui semble l'entourer. Emma et elle sont très proches avec une génération de différence. Autour d'eux l'Angleterre a changé, mais Jane retrouve chez sa jeune amie une innocence et un goût de la vie qu'elle pensait avoir perdus. Le récit est émaillé de moments très personnels qu'il ne faut pas laisser passer par une lecture trop rapide. Parfois le tempo devrait ralentir, le regard se pose sur un moment comme dans un film. Constant utilise peu les artifices de narration qui marquent ces instants suspendus, comme un plan fixe sur l'extérieur d'une maison ou un paysage immobile. Sauf paradoxalement en tout début d'album avec quelques cases très fortes, lorsque Jane gamine quitte le phare après la mort de son père. On découvre la dureté de certaines lois anglaises de l'époque aux dépens de Jane, bien des questions resteront ouvertes sur sa vie avant de devenir marchande de gaufres, mais la rencontre avec Emma est le cœur de cet album, simple et touchant. On sent que Michel Constant est parfois lui-même happé par ce qu'il raconte, au point de faire rouler une voiture du mauvais côté de la route en page 54. Mais on s'en fout, ce qui compte c'est l'autoradio cassette et Highway to Hell !