L'histoire :
Jeune parisien du XVIIIème siècle, Jean reçoit une éducation traditionnelle faite d’austérité et de rigueur, toutes deux distillées par une mère rigide et un précepteur, Monsieur De Branci, entièrement dévoué à sa tyrannie. Les confessions du jeune homme à ce dernier terminent toujours dans les oreilles de la castratrice. Elle punie alors à sa manière le pauvre garçon en le privant de dîner quand elle estime que son âme n’est pas assez pure. En cachette, le jeune homme s’adonne à sa passion : le dessin. Ainsi, croque-t-il avec talent les pigeons qui traînent au bord de sa fenêtre, mais son carnet secret est découvert… Le conseil de famille qui s’ensuit lui permet au moins de rencontrer son père, qui va même lui apporter un soutien inespéré. En fait, lui-même a une activité secrète : la taxidermie ! Dans son antre au fond d’une ruelle, il cherche à améliorer la technique de conservation des animaux empaillés. Et comme il est très fier du talent de son fils, il en fait son collaborateur, pour le plus grand bonheur du jeune homme. Un jour, leur mécène, l’excentrique séducteur Marquis de Dugnan, leur amène une pièce de choix : un gorille. Les deux hommes relèvent le défi et livrent un travail de belle facture qui le ravit au plus haut point. Il va pouvoir briller à la cour…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour Le peuple des endormis, Frédéric Richaud, auteur du roman initial La ménagerie de Versailles s'est adjoint les services de Didier Tronchet (Jean-Claude Tergal…) pour adapter son œuvre en BD. Et l’association fonctionne d’emblée ! C’est pourquoi les deux tomes originaux sont ici réunis en intégrale, avec une couverture plus engageante que précédemment et une présentation plus « royale ». A l’intérieur, le trait poisseux est à la hauteur du règne de Louis XIV, où la servilité des courtisans est mise à rude épreuve. Cette histoire de noblesse décadente qui part à la rencontre de l’Afrique est un régal de A à Z. Les dialogues et les commentaires en off sont des petits bijoux. Comme les personnalités succulentes et la saleté de leurs âmes qui refusent le mélange et rappellent que le monde n’a pas vraiment évolué en 400 ans. Ainsi, le ton détaché qui se dégage du récit renforce le sens même du propos, la connerie humaine. La comédie regorge de talents depuis des siècles, comme le rappelle cet improbable périple d’un courtisan passionné de taxidermie et de fesses, durant lequel seul Jean et les africains sont sains d’esprit. La colorisation sombre et mat ne ravivera pas la noirceur du dessin gras de Tronchet qui rend si bel hommage à la cruauté du monde et donne à cet album hors du commun un souffle Tergalien du meilleur effet !