L'histoire :
A Cracovie, en 1919, Albert Prinz vit une jeunesse insouciante en compagnie de quelques amis qui jouent, comme lui, les artistes. Pourtant, son père le rappelle à Dresde, en Allemagne, où il vient de lui trouver une situation professionnelle plus sérieuse. Avant de quitter la Pologne, il passe la nuit avec un de ses modèles, Magdalena. Ayant fait sa vie, il apprend par hasard, quelques 18 années plus tard, que cette idylle lui a peut-être donné un fils. Aussi, il profite de l’occasion pour fuir l’atmosphère antisémite nauséabonde (étant lui-même juif) et tenter de rejoindre Breslau pour retrouver cet enfant. Dans le train qui le mène à destination, il fait la connaissance du jeune Benyamin Adler. Peu à peu, à son contact, il finit par se persuader qu’il s’agit là du fils qu’il est parti cherché… Le destin l’empêche rapidement d’en avoir confirmation : le train est stoppé en pleine campagne et pire : Benyamin disparait. Les SS ne tardent pas à retrouver dans les bois un vêtement ensanglanté appartenant au jeune homme. Immédiatement, une fouille des wagons est ordonnée. En particulier, c’est le compartiment d’Annette Arndt qui doit faire l’objet d’un examen minutieux : on l’a vue, la nuit précédente, quitter le convoi. Or, l’endroit est aussi occupé par un drôle de couple, attaché à ce que les SS ne mettent pas le nez dans leur valise. Aussi, lorsque Braun, l’homme, confie à la femme qu’il a reconnu Prinz et qu’il sait qu’il est juif, elle n’hésite pas : elle le dénonce le faisant immédiatement passer de simple voyageur, à meurtrier…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quelques mois à peine après la publication de la première partie du diptyque, nous retrouvons avec plaisir les protagonistes de cet étonnant huis clos. A mi-chemin entre récit historico-sociologique et thriller teinté d’envolées métaphysiques, l’ouvrage multiplie les angles d’attaques pour élargir au maximum notre réflexion. Ainsi, en choisissant de placer Albert Prinz au centre du propos, Johanna fait de cet homme en pleine reconstruction, le parfait bouc émissaire et, par là-même, l’idéal témoin. Plus encore que dans la première partie, le jeu qui s’opère ici autour de lui, sert à esquisser les mécanismes du racisme et à entrevoir le processus de sa surprenante propagation (avec en particulier une analyse très fine de la condition de victime). C’’est un décorticage abouti, mûri, auquel se livre Johanna, mais peut-être pas toujours assez explicite dans la forme et souvent sec ou confus. Au-delà, le contraste entre l’apathie de Prinz (et son questionnement délirant) et la tension oppressante de l’action, sont pour le moins déroutants. Heureusement, l’album ne s’enferme pas dans ces travers et livre un ensemble tout à fait convaincant. La conclusion, plus conventionnelle, en est d’ailleurs le principal artisan. De la même manière, le choix d’un graphisme doux, parfaitement mis en couleur et aux déliés envoutants, donne beaucoup de force et d’originalité. Une belle rencontre en tous cas.