L'histoire :
Laissée pour morte par le comte de La Fère qui la répudia alors qu'elle n'avait pas vingt ans, Anne de Breuil est devenue quelques années plus tard Milady de Winter. A Meung sur Loire, à bord d'un carrosse retardé par une escarmouche, elle croise le regard d'un jeune impétueux appelé d'Artagnan, qui semble sidéré devant sa beauté. Mais la mission de la jeune femme est toute autre : elle doit se rendre à Londres pour y croiser le Duc de Buckingham, et subtiliser deux des douze ferrets sertis de diamant qu'il aurait reçus en cadeau. Une preuve évidente de la relation extra conjugale qu'il aurait eue avec Anne d'Autriche, épouse de Louis XIII. Et une pièce maîtresse d'un grand coup que le cardinal de Richelieu manigance. Elle ne tarde pas à réussir sa mission, mais découvre au petit matin suivant que celui qui l'accueille dans sa cour, et lui avait fait des avances insistantes, l'a violée pendant la nuit. Convoitée par le frère de son mari défunt, la très belle jeune femme revenue en France va croiser d'Artagnan qui, lui aussi, cherche par tous les moyens à la séduire. Elle va tenter de reprendre son destin en main, cherchant à manipuler les hommes qui, de leur côté, lui font subir d'humiliantes épreuves.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les auteurs, et en particulier Sylvain Venayre, placent la barre très haut pour le lecteur moyen, avec cette relecture des Trois Mousquetaires vue par l'un des personnages secondaires du roman. Le scénariste prend soin de rappeler les grands axes de la fameuse histoire d'Alexandre Dumas, et explique sa démarche de manière plutôt savante, en mettant en avant un niveau de lecture très éclairé. Dumas aurait souhaité faire de cette jeune femme le vrai héros de son livre, mais l'époque ne le permettait pas. On est plongé d'entrée de jeu dans la vie d'Anne de Breuil, alias Milady, et ce n'est que petit à petit que les personnages masculins de Dumas vont apparaître. Chacun dans un rôle redéfini, désormais en rapport avec la jeune femme. Et sans référence particulière à nos souvenirs de lecture, cela semble finalement logique. On plonge alors dans une longue histoire de complots pleine d'imprévus, mais sans épisode réellement spectaculaire, et dont les rebondissements successifs se ressemblent. La subtilité de la relecture ne pourra toucher que les fins connaisseurs du roman originel, les autres devront apprécier l'aventure en tant que telle. Une très forte personnalité aux prises avec la morale masculine de l'époque, et des hommes autour d'elle qui doivent systématiquement prendre en compte qu'elle mène sa vie d'une manière singulière et déterminée. Frédéric Bihel accompagne ce roman dessiné dans un style très classique où les beaux bâtiments, les vêtements d'époque et les paysages historiques trouvent leur place. De nombreuses cases restent centrées sur les visages des protagonistes, et on décèle l'affection de l'artiste pour le dessinateur François Bourgeon, dont les mimiques des visages féminins ont fait école. Tout cela donne un livre cynique et bien illustré qui doit se lire posément, idéalement après une lecture relativement fraîche des aventures de d'Artagnan et ses compagnons.
