L'histoire :
Janvier 1915. En première ligne du front, dans la boue et le sang des tranchées de la Champagne pouilleuse, le lieutenant de gendarmerie Roland Vialatte, catholique et progressiste, poursuit son enquête sur le serial-killer qui a déjà assassiné 3 femmes. Dans un avant-poste particulièrement exposé aux bombardements des boches, il retrouve par hasard une vieille connaissance, le caporal Gaston Peyrac. Socialiste et paradoxalement antimilitariste, celui-ci commande une étrange escouade, une poignée de grands gamins, des repris de justice envoyés pour servir de chair à canon. L’enquête de Vialatte est ponctuée d’alertes, de bombardements horribles… Notamment, la compagnie se met à chanter à haute voix pour qu’un camarade blessé au bide et coincé dans une ruine, le dénommé Jolicœur, tienne moralement le coup le temps qu’on aille le récupérer. Ils savent que celui-ci sert d’appât pour les boches… Pendant ce temps, Vialatte recueille des indices intéressants dans une cagne (un abri), lorsqu’un messager lui fait savoir qu’il est rappelé à l’arrière par le Capitaine Janvier. En effet, le tueur a fait une quatrième victime, une prostituée que fréquentait justement Janvier, et pour laquelle il éprouvait une véritable tendresse…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une fois encore, il est ici question de tripes. De celles des hommes qui se répandent dans la boue des tranchées, dans cet épisode particulièrement chargé en bombardements, en combats atroces. Mais aussi de celles qui se nouent chez le lecteur. Car Kris et Maël nous emmènent véritablement au front, en première ligne, où on vit toute la barbarie de cette guerre. Où l’on comprend qu’un antimilitariste appelle ses hommes à trucider l’ennemi. Où il parait absurde qu’on cherche à coincer un « tueur », dont le devoir patriote est justement de tuer. L’enquête sur le tueur en série n’est véritablement pas le premier sujet de cette admirable série – dit comme ça, elle aurait même des relents de série B, registre duquel Notre mère la guerre est diamétralement opposé. Le propos central demeure « la guerre » et on se met à penser qu’il a rarement été aussi justement traité. Kris livre sans doute son scénario le plus abouti, débordant d’humanité, impeccablement rythmé et ficelé, captivant de bout en bout. Et pourtant, l’auteur nous avait déjà habitués à du très bon (Un homme est mort, Les ensembles contraire…). Maël magnifie l’histoire par son dessin virtuose, un style graphique qui n’appartient qu’à lui, détaillé et impeccablement mis en scène, rehaussé par un lavis en aquarelles sublimement gris et maussade. Et pourtant, translater graphiquement une telle barbarie, une nouvelle fois sur 62 planches, n’a franchement pas du être une sinécure. Au risque d’être redondant, petit avertissement à l’égard des âmes sensibles : ce tome 2 est atroce, mais sans doute fidèle à ce que fut la réalité. Encore un tome et on tiendra là un formidable triptyque de Mémoire.