L'histoire :
En 1858, Magnil, le chef d’une tribu Mapuche (ethnie indienne d’Araucanie, actuel Chili), voit en rêve l’arrivée d’un élu. Ce dernier a de longs cheveux, une belle barbe, un cheval blanc, un grand chapeau et il porte des curieux habits (européens). Il est venu pour les aider, pour lutter à leurs côtés dans leur conflit contre les chiliens et les argentins. Magnil attend le retour de son fils Kilapan de la guerre et il consulte des shamans puis réunit un conseil pour statuer sur cette prophétie. Le rêve a dit qu’un puissant chef au grand chapeau va faire un long chemin pour les guider. Dix ans plus tard, cet étranger sauveur est de retour à Paris pour rencontrer l’empereur Napoléon III. Il s’appelle Antoine de Lunens et revient chercher des financements pour renforcer la sécurité de « son » nouveau royaume, à la tête duquel il s’est lui-même ordonné Orélie-Antoine 1er, roi des Mapuche. Mais avant de rencontrer l’empereur, il fait la connaissance de Marcel Lefranc, journaliste au Farigo, qui deviendra son biographe. Mais aussi de l’avocat Arsène Plauchu, qui l’accompagnera pour son deuxième voyage en Amérique du Sud, dans sa conquête délirante de la « Nouvelle France »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un périgourdin chevelu se revendiquant roi d’un territoire indigène en Patagonie, ça ressemble à une grosse blague… Et pourtant ! L’histoire d’Antoine de Tounens, alias Orélie-Antoine 1er, roi des Mapuche, est authentique, bien qu’il soit ici rebaptisé Antoine de Lunens (pour assouplir d’emblée toute quête de rigueur historique absolue). Le scénariste Christophe Dabitch prend ici le temps de nous narrer en détails ce qui ressemble à un western en Amérique du Sud – donc un « Southern ». Nous sommes en 1858 et l’aventurier français Antoine de Tounens, avoué au tribunal de Périgueux et franc-maçon, insiste, au cours d’un second voyage (sur 4 au total), pour concrétiser son ambition démesurée : rendre sa grandeur à la France, récemment démunie de la Louisiane et du Canada, en s’emparant d’un autre territoire du Nouveau Monde. Ça tombe bien : un chef et shaman Mapuche, une ethnie indienne à cheval entre le Chili et l’Argentine actuels, l’a vu en prophétie ! De Tounens rédige donc une ordonnance, se déclare roi d’Araucanie et de Patagonie, soit un gigantesque territoire (toute l’Amérique au Sud du Biobio et du Rio Negro). Tout cela est authentique et aujourd’hui encore, des français se réclament de ce royaume bidon ! Tout cela sera néanmoins tragique, comme nous le découvrirons dans la seconde partie du diptyque ici débuté. Le ton narratif des auteurs est ambivalent, notamment en raison du dessin très coloré, presque « fun » de Nicolas Dumontheuil – mais parfaitement abouti dans son style et précis dans sa peinture historique – qui accorde une dimension de farce à l’aventure historique. Partiellement romancé et arrangé, le récit se dévoile lentement et progressivement, sans véritable moment de tension (peu d’action, quasi pas de combat). Ce drôle de rythme a pour le moment tendance à laisser le lecteur quelque peu perplexe – mais plus instruit qu’au départ.