L'histoire :
A la toute fin du XIXe siècle (ou le tout début du XXe), dans une auberge perdue au sud de la Patagonie, sur l’île de Terre de feu, par un jour de grand vent. Une troupe de gauchos blancs, des chasseurs d’indiens emmenés par l’impitoyable Lord Wales (qui a un vrai nom beaucoup plus compliqué), s’apprête à quitter leur auberge, leur mission accomplie. Ils pensent avoir tué tous les indiens de la région et sont persuadés que « l’archer rouge », tant redouté par les autochtones, n’est qu’une légende. Pour percevoir leur salaire, ils font alors route vers le manoir de leur employeur, le mystérieux Lord Hexam. Ils sont accompagnés par Nathan Lowatt, un aventurier new-yorkais parti à l’autre bout du monde… pour pouvoir en revenir. Soudain, ils sont attaqués par des indiens ! (ils ne sont donc pas tous morts ?!) Seuls Wales et Lowatt, qui ont l’idée de combattre au couteau pour ne pas être pénalisés par le vent, parviennent à s’enfuir. Les autres, qui ont le réflexe des armes à feu, sont sauvagement massacrés. Dans leur cavale, tandis qu’ils sont traqués par l’archer rouge, Wales et Lowatt font connaissance et partagent leurs penchants littéraires. Arrivé chez Lord Hexam, Wales est violemment congédié : il a échoué dans sa mission. De toute façon, une nouvelle troupe de mercenaires est déjà en route…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Décidément, les « westerns décalés » inspirent les grands noms de la « nouvelle vague BD », ces derniers temps. Après le Bigfoot de Nicolas Dumontheuil et le Gus de Christophe Blain, voici Terre de feu signé David B. et Hugues Micol. Deux artistes de renoms au générique d’une nouvelle série chez Futuropolis… On s’en lèche les babines d’avance, à raison ! On découvre tout d’abord un décorum de western version Patagonie et gauchos, sinistre, réaliste et crédible. Le récit est judicieusement traité en noir et blanc par le dessin moderne de Micol, d’une grande classe, un style artistique maîtrisé et abouti. Dans la lumière crépusculaire de cette terre du bout du monde, transpercée par un climat abominable, on découvre des mœurs déshumanisées qui glacent le sang. Des hommes sans pitié y sont venus pour éradiquer d’autres hommes, tapis derrière le moindre brin d’herbe, attendant le première occasion pour contre-attaquer de manière tout aussi féroce. Emerge de ce contexte destructeur une pesanteur et une tension qui ont quelque chose d’apocalyptique. Au scénario, David B. laisse également une grande place à la symbolique, sans en faire de trop (les icebergs qui luttent et s’entrechoquent pour traverser le détroit…). Le scénariste maîtrise son sujet et parvient à surprendre sans cesse, tout en conservant la cohérence de son aventure. Tantôt l’on digresse, le temps d’un récit fantasmagorique, tantôt on croise des personnages ou des lieux surprenants : deux sœurs spirites, un improbable manoir situé en plein territoire sauvage, un Lord mégalo en proie à des crises de goutte, un archer rouge indien insaisissable, en communion avec sa nature, une sinistre équipe de chasseurs noctambules… Bizarrement, ces éléments ne collent pas vraiment ensemble et c’est pourquoi ça fonctionne ! Alors que le récit prend une tournure occulte, on referme ce premier volet tout à fait séduits…