L'histoire :
Victor se souvient de tout. Victor Younki est un petit garçon facétieux des rues de Tunis. Juif tunisien, il connaît tôt l’antisémitisme avec le retour des combattants de la grande guerre en 1918 et le pogrom contre les juifs tunisiens. Il grandit dans l’amour de la boxe, à l’image de son frère aîné Benjamin, et poussé en cela par son ami le cordonnier Léon Benamou qui lui fait lire les articles de la presse sportive, et notamment le récit de la défaite de Joe Carpentier face au colosse sénégalais Battling Siki, qui devient son héros. Rapide et nerveux, il progresse vite et arbore fièrement l’étoile de David, que sa mère lui a brodée sur son short noir. Il devient champion du monde, se fiance à une actrice française… Mais de là où il se souvient, Victor n’est plus rien qu’un numéro. Un numéro tatoué sur son bras de déporté à Auschwitz. Bénéficiant d’indulgences dues à la passion du commandant du camp pour la boxe, Victor s’en sert pour aider ses compagnons d’infortune.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Young Pérez est à la mode en ce moment. Avant que ne sorte au cinéma le Victor Young Pérez avec dans le rôle-titre le champion olympique des mi-mouches Brahim Asloum, c’est un magnifique one shot d’Eddy Vaccaro et Aurélien Ducoudray qui sort chez Futuropolis (après A l’ombre de la gloire publié par le même éditeur en 2012). Cette BD est une sacrée claque, il faut le dire. Elle débute sur un monologue très sec, très lourd de sens, très efficace. Le récit est ensuite découpé en courtes scènes, style flashback avec des allers-retours entre la jeunesse et l’apogée de Victor, puis de scènes de la vie de tous les jours en camp de concentration. On pense à Primo Lévi, en filigrane dans tout le texte, et cité par un Ducoudray qui découpe son récit de manière très cinématographique, très efficace. On pense aussi au To Be or Not To Be de Lubitsch, mais c’est cette fois grâce à la noirceur du trait charbonneux d’Eddy Vaccaro. On souffre avec Victor dans les nuits glaciales des hivers d’Auschwitz. On souffre avec lui sur tous ses rings, les rings de boxe, les rings de la vie… Cet album serait clairement une merveille s’il n’était entaché par une série de fautes d’orthographe qui débute assez rapidement et qui, malheureusement, fait sortir le lecteur de l’histoire à quelques reprises. Pour autant, il faut passer outre ce petit inconvénient et profiter pleinement du talent de ces deux-là, avec une belle histoire et des dessins magnifiques.