L'histoire :
Du côté de Vitebsk, en Biélorussie, Marc Chagall dessine et peint. Le jeune homme est aussi un amoureux passionné qui rêve d’épouser la jolie fille du laitier, Reb Tevié. Malheureusement, ce dernier exige de son futur gendre qu’il se trouve une activité plus sérieuse, capable de subvenir aux besoins des futurs époux. Désespéré, Marc prend la route en compagnie de Tam, un boucher, tout aussi désespéré et éperdument amoureux que lui. Les deux hommes veulent prendre conseil auprès du fameux rabbi Loubavitch. Néanmoins, plutôt que des réponses à leurs multiples questions, ils doivent se contenter d’un rêve fabuleux : celui que Marc a fait en s’endormant auprès du vieux rabbin. Chagall s’est en effet rêvé peignant le plafond d’un opéra. Depuis, c’est décidé : il va fonder un théâtre pour plaire à sa belle famille et continuer d’émerveiller sa fiancée. Une bande de cosaques sanguinaires, Tam, son ami, un illuminé qui se prend pour Jésus Christ et un violoniste pragmatique sont également de la partie. Il reste à trouver le thème du spectacle, l’histoire à raconter, puis construire et peindre. Mais notre jeune artiste est-il réellement sur la bonne voie pour conquérir sa belle, qui semble porter ses yeux vers d’autres horizons ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quelques mois à peine après l’avoir entamé, Joan Sfar boucle aujourd'hui cette étonnante rencontre avec la jeunesse russe du peintre Marc Chagall. C’est une nouvelle fois une trame délirante (donc « sfarienne ») qui est utilisée pour cette balade atypique entre Histoire, onirisme, poésie et leçon de philosophie. On retrouve ce simili de biographie là où Chagall l’avait laissé. Habité par la création et un fabuleux rêve, amoureux (et du coup obligé de trouver un vrai métier pour plaire à beau-papa), le voici contraint avec sa bande de compagnons gratinés de construire un théâtre et d’y imaginer un spectacle. Aventure initiatique, folklore, tradition, violence des plus brutales, dansent sans rougir une drôle de farandole, où l’absurde côtoie la réflexion, et le burlesque, la tragédie. A nouveau, malheureusement, il est bien difficile de tirer de cet univers foutraque un petit quelque chose à grignoter digne de l’époustouflante œuvre de cet auteur adulé. Tout au mieux, on caresse quelques métaphores, on saisit quelques uns des messages (le rapport à la religion, aux traditions, le passage à l’âge adulte, le devoir de mémoire, le mécanisme créatif, le sentiment amoureux…). Cependant, la tâche n’est pas rendue facile par un enchevêtrement souvent complexe et un découpage freinant, quelque peu, la lisibilité. Bref, peut-être, plus simplement, est-ce un ouvrage à réserver à une frange de passionnés, amoureux de ce type de trituration cérébrale et moins attentifs à la jubilation de l’intrigue stricto sensu. Une deuxième fois, Joan Sfar tend le bâton à ses détracteurs, en livrant un dessin en demi-teinte. Vignettes approximatives et trait envoûtant s’amusent ainsi à jouer le chaud et froid. Un diptyque loin de nos attentes, pour un auteur mettant habituellement la barre plus haut et dont on attend rapidement le prochain coup de génie.