L'histoire :
Cassian vit dans un pays où l’eau voyage à l’envers, une contrée où les maitres sourciers répandent leur sourcellerie (l’art de l’eau), où les jolies jeunes femmes se transforment en renarde lorsque leur prétendant les ennuie… La belle qui change ainsi de pelage se prénomme Nadège et le pataud naïf qui l’a fait fuir n’est autre que Cassian, l’apprenti (assez peu performant) de son grand-père, un des plus puissants maître de l’eau. Nadège, qui utilise avec génie les leçons de son grand-père et le patrimoine génétique légué par sa mère, une sorcière de talent, rêve de la ville et de ses tentations, pendant que son amoureux imagine une vie calme et rangée avec beaucoup d’enfants. C’est pourquoi, n’ayant pas le courage d’éconduire brutalement son Cassian, elle demande à son grand père d’inventer un bon gros mensonge pour couvrir son départ inopiné. Le vieil homme, qui depuis peu se complet à prendre l’apparence d’un loup gris, ne peut rien lui refuser. Aussi, il embobine son apprenti en contant que Nadège a du partir pour retrouver ses parents : ces derniers ont disparu alors qu’ils tentaient de regrouper des objets magiques destinés à restaurer les dieux de l’ancien temps. Cassian ne perd pas une minute. Il s’élance sur les traces de sa belle. Avant de partir, il s’arme d’une épée serpent (un don du maitre sourcier), un atout redoutable à condition de ne jamais lui adresser la parole… Ce que Cassian parvient à faire 2 heures au moins…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Accaparé par de nombreux projets et en particulier par la réalisation du long métrage Gainsbourg (en salle le 20 janvier 2010), Joann Sfar s’est offert cet Ancien Temps comme une petite récré : un exutoire ludique, après une journée chargée, lui permettant de pouvoir aller se coucher débarrassé du bouillon de son imaginaire. L’exercice narratif proposé ne laisse d’ailleurs aucun doute : planche après planche, le récit semble avoir pris le pas sur son auteur, empruntant des chemins que lui-même n’avait pas imaginés, en commençant les premiers traits de son dessin. Le plus impressionnant reste l’art admirable avec lequel le tout retombe impeccablement sur ses pieds, pour finalement nous servir une trame parfaitement cohérente, fluide, accrocheuse et pleine de petits bonus psycho-philosophiques (dont chacune des séries du prolifique auteur est embaumée). Cette nouvelle histoire prend pied dans un univers médiéval-fantastique avec géant, château, bestiaire idoine, magie (ici l’art subtil de la sourcellerie), quête… : de l’heroïc-fantasy sauce Sfar qui, si elle reprend des codes établis par Tolkien et consorts, met quelques coups de pieds dans ce qu’elle à parfois de pesant. Malgré une intrigue plutôt simple, les démêlés du jeune héros, la saveur des interventions des multiples protagonistes ou les dialogues intelligents, rendent le récit épais pour une profusion thématique qui ne surprendra pas les fidèles. Graphiquement, l’auteur ne surprend pas non plus. Il est là où on l’attend. Il sait nous offrir sa spontanéité, rendant son trait fluide, détaillant sa case ou la bâclant, car impatient de nous emmener plus avant… A l’instar de son dessin, l’album séduira inévitablement les déjà conquis : on y retrouve tout ce qui habituellement, de l’exquise narration au coup de crayon, fait pétiller nos sens. Pour les autres… c’est un pari plus compliqué.