L'histoire :
En France, en 1943, un père de famille décide d'envoyer les siens en Algérie, se mettre à l'abri de la guerre qui fait rage. Au moment du décollage du petit avion qui les emporte, une troupe de soldats allemands surgit, l'homme est abattu, mais la petite famille s'envole. La mère de Paul, blessée d'une balle, ne survivra pas. Le jeune garçon va désormais vivre chez l'oncle Charles, propriétaire d'un grand domaine dont tous les ouvriers sont musulmans, car c'est ainsi que l'on désigne les locaux dans les familles d'origine française. Avec son cousin André, le jeune Paul vit au cœur de cette société bien établie, et partage de belles expériences chaleureuses avec leur amis sur place. Il n'y a pas de distinction pour les gamins, et les galettes de semoule qu'ils vont parfois manger dans une des familles d'ouvriers sont de grands moments de bonheur. Slimane, qui appartient à cette famille algérienne, est aux côtés des soldats qui se battent contre les troupes du Reich en Italie, tous près de Monte Cassino. Le contremaître qui gère les relations avec les travailleurs ne vit pas dans le même esprit, et sa manière de traiter les ouvriers fait grandir un sentiment d'injustice. Il utilise des méthodes très autoritaires qui ne conviennent pas à Charles, mais perdurent malgré tout. Petit à petit, avec la fin de la guerre, le sentiment d'un avenir possible différent de cette occupation coloniale grandit dans les populations algériennes. Mais pour l'heure, Paul vit son entrée dans l'adolescence, dans un pays chaleureux où il panse petit à petit la douleur de l'absence de ses parents.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Philippe Richelle entame un beau projet, avec cette chronique d'une famille française en Algérie, qui débute juste après la deuxième guerre mondiale. Ce premier tome plante le décor avec un grand souci d'authenticité dans sa description de la vie coloniale qui existait après environ cent ans d'occupation. A travers le regard du jeune Paul, on s'imprègne d'une atmosphère empreinte de la beauté du pays et de l'amour sincère que lui portent ses occupants d'origine française. Le langage et les termes utilisés entre les populations de colons et les algériens sonnent très juste, et semblent se positionner à l'écart de toute polémique manichéenne. La montée du sentiment d'indépendance, l'injustice sociale qui rythme la vie des algériens, tout cela monte très doucement dès le début de cette saga. Le dessinateur Alfio Buscaglia déroule son style quasi réaliste très abouti, typiquement italien dans sa fluidité et son élégance. Il ne semble rencontrer aucune difficulté pour incarner la subtilité des visages de ses personnages, leur durcissement en cours d'album annonçant la suite de la série. On oublie tout œil critique dès les premières pages franchies, tant les émotions partagées sont nombreuses, souvent inattendues, et progressivement porteuses d'une tension qui va exploser. On apprécie particulièrement l'apparent souci de neutralité de la narration, qui nous plonge avec d'autant plus de force dans les évènements qui vont se dérouler sous nos yeux. Une ouverture très prometteuse.