L'histoire :
C'est l'automne, un chevreuil est pris en chasse par un chien. Il se réfugie dans la forêt déplumée de ses feuilles. Le chien s'arrête à l'orée du bois, laissant le cervidé lui échapper. Dans une forêt au printemps, un cerf s'écroule... comme s'il était tombé du ciel. Non loin de là, dans sa maison au bord de la mer, William essuie ses pinceaux de peintres. Réveillé par le vacarme, l'artiste se dirige vers la forêt. Dans une clairière peuplée de fleurs bleues (des Bluebells, autrement dit des jacinthes des bois), il trouve le cervidé, gisant dans son sang. Par quel miracle l'animal se trouve t-il ici ? C'est comme s'il était tombé du ciel. William s'empare de la bête et la traîne pour la dépecer : il pourra manger une bonne daube ce soir en compagnie de son ami Victor. Victor est formel, il n'a pas mangé un plat aussi bon... depuis qu'Héléna n'est plus là. Le lendemain, sa modèle, la gironde Rosalie, vient poser pour William, comme elle le fait régulièrement. Alors qu'elle se met dans son plus simple appareil, William demande à la jeune femme de se rhabiller et de venir demain. William prend sa barque et se met à peindre frénétiquement quand plusieurs sirènes assoiffées montent sur sa barque. William se défend becs et ongles...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Guillaume Sorel est un auteur, à part à l'univers à la fois sombre, fantastique et très onirique, comme le montrent ses œuvres. Bluebells Wood est une incursion dans le monde mystique des sirènes, ces créatures voluptueuses qui draguent les marins par leurs voix douces et envoûtantes. L'idée de cette nouvelle histoire a été inspirée à l'auteur normand par un voyage sur l'île de Guernesey, où il s'est rendu dans le fameux Bluebells Wood, un lieu qui a été un révélateur. Certaines scènes de films mythiques sont remontées à la surface (la Fille de Ryan de David Lean, Excalibur de John Boorman). Son imagination s'est emballée, mettant entre parenthèses son travail pour la peinture qui l'avait éloigné des planches. Même si Sorel se laisse aller à quelques facilités scénaristiques, il emporte avec cette réécriture du mythe des sirènes, qui zyeute par moment du côté de Pierre Dubois (qui écrit la préface), au final envoûtant. Mais que dire du dessin de Sorel, toujours aussi sublime et de son trait sensuel et enlevé : chaque case est un tableau que l'on rêverait de voir encadré chez soi. Il ne manque pas de rendre aussi un hommage appuyé au grand et regretté René Hausman en agrémentant certaines cases de petits écureuils familiers. Un album à lire et à relire pour capter son atmosphère singulière et saisir les différentes strates narratives, sans oublier de se laisser envoûter par ces fameuses femmes-poissons, tentatrices devant l'éternel...
