L'histoire :
En décembre 1913, la jeune espagnole Maxima Prado parvient enfin à se faire virer de son pensionnat belge de jeunes filles, après 3 années d’exil. Elle est ravie de retrouver enfin son père adoré, Victor, avec lequel elle a beaucoup correspondu par écrit. Hélas, sur le quai de la gare de Barcelone, elle est accueillie par son oncle Escoda, qui lui apprend le suicide tout récent de Victor. Maxima est effondrée et ne comprend pas : un père qui attend sa fille ne se suicide pas. L’enterrement est une douloureuse épreuve. Le jour suivant, elle retourne dans sa maison d’enfance, en compagnie de son complice cousin Bonaventura, handicapé par la polio. Elle se rappelle évidemment du petit jeu auquel se livrait son père pour entretenir sa curiosité : dissimuler des lettres, des objets, des petits secrets, disséminés à divers endroits, comme autant de jeux de piste. D’intuition, elle trouve ainsi un curieux miroir octogonal dans les cendres du poêle. Dans le double fond de celui-ci, une carte de bibliothèque, adressée à Madrid. Puis elle surprend une discussion entre son oncle et un associé de la société industrielle familiale de mécanique : a priori, ils étaient en mésentente sur l’orientation à donner à leur production, Victor se refusant à faire dans l’armement. Sur cette révélation, Maxima décide de fuguer pour se rendre à Madrid et enquêter sur la mort suspecte de son père. Elle n’est pas au bout de ses surprises…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour une mise en bouche, ça c’est une mise en bouche ! Teresa Valero aurait sans doute été bien avisée d’étaler ce récit inaugural de 54 planches en diptyque : il y aurait sans doute gagné en limpidité… et en plaisir pour le lecteur ! En effet, le scénario est riche, très riche… trop riche ? On peine à saisir la psychologie des nombreux personnages que l’on croise, leur positionnement dans l’intrigue, complexe, qu’on enchaine déjà sur une autre séquence, à grands renforts d’ellipses et de sous-entendus, le tout en dépit d’une belle densité de dialogues et de voix-off. Valero nous propulse quasi frénétiquement à la suite d’évènements en cascade, dont on ne comprendra le sens complet qu’à la fin. Résultat : rarement lecture aura nécessité autant de temps, d’allers et retours entre les pages, pour être certain de tout piger. Ce bémol d’entrée de jeu, malgré un ostensible boulot créatif et documentaire, rappelle qu’en matière de scénario, il ne suffit pas d’être savant ou ambitieux : faut-il surtout mettre son histoire à la portée du plus grand nombre. La scénariste pose néanmoins des bases très solides pour une série d’aventures historiques, entremêlant espionnage et hermétisme. Ce premier opus s’étaye sur les prémices de la première guerre mondiale, l’édification de l’état juif, la guerre du Maroc… et nous embarque dans une incroyable affaire d’espionnage international, avec pour enjeu une puissante machine à crypter. A l’issue de ce premier tome épuisant, les choses s’expliquent et rentrent tout de même dans l’ordre. Le suicide du père est éclairci et la jeune héroïne va pouvoir s’épanouir à travers un XXe siècle bien agité, depuis la truculente Curiosity Shop madrilène héritée. Pour la forme, Valero peut toutefois compter sur les encrages semi-réalistes et la colorisation élégante de sa compatriote Montse Martin (déjà dessinatrice de Talisman). Visuellement, c’est un vrai bonheur et rien que pour ça, on s’armera volontiers d’un thermos de café avant de se plonger dans le prochain opus…