L'histoire :
Jules Matrat quitte la maison familiale pour aller honorer la promesse faite à son camarade Louis mort sur le front. Il laisse pour quelques jours son épouse Rose qui vient de perdre l'enfant qu'elle portait. Elle est d'accord, elle l'encourage même à faire ce voyage pour aller embrasser Gladys, la femme de Louis Agnin, et sa mère éplorée. Son père lui reproche tout ce qui s'est passé depuis son retour du front, son incapacité à trouver auprès de sa femme le bonheur paisible qu'il espérait pour son fils. Mais Jules va prendre la route de Saint Michel de Maurienne, marcher pendant des heures pour trouver le village et la maison de Valanche dont Louis lui avait tant parlé. C'est Madame Agnin, la mère de Louis, qu'il va rencontrer en premier. Il parle de son copain, il essaye de trouver les mots qui vont la rassurer un peu sur les dernières heures de son fils. Mais ce qu'elle va lui apprendre va briser les espoirs de Jules : Gladys a refait sa vie, quitté sa maison pour aller rejoindre Lucien qui est désormais son mari. Il sera accueilli par une femme qui ne ressemble plus au souvenir doux qu'il avait des conversations avec son copain, et par un homme qui tient son fusil à la main avant de comprendre qui il est. Le voyage tant attendu n'est pas celui qu'il espérait.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour ce troisième et dernier tome, Serge Fino raconte la visite de Jules à Gladys, un voyage qui doit à la fois tenir la promesse faite à Louis mort au combat, et peut-être permettre au soldat revenu vivant de reprendre enfin le cours d'une vie normale. La désillusion face à la vie qui a continué pour Gladys aggrave l'incompréhension de Matrat, le soulagement qu'il en attend ne se produira pas. Le lecteur est surpris et emmené vers un autre univers, celui de l'impossible guérison des traumatismes subis par les soldats de la première guerre mondiale. C'est un homme simple qui est confronté à cette tentative infructueuse de retour à la vie, un traumatisme irréversible qui touche un homme mûr que rien n'avait préparé. L'auteur de cette adaptation du roman de Charles Exbrayat accomplit une œuvre d'une réussite éclatante, bouleversante, un hommage remarquable au travail littéraire dont il reprend des phrases entières. La voix off est d'une profondeur rare, une écriture simple et ciselée. Le récit en trois tomes donne le temps de retrouver les moments de contemplation triste qui caractérisent l'œuvre originale. Les pages en couleurs directes sont superbes, elles donnent un rythme totalement cohérent avec celui du roman. On sent la passion sincère de Serge Fino qui consacre littéralement une page de BD à deux pages du livre d'Exbrayat, un choix ambitieux qui donne un résultat rare. Tout y est, sans aucune trahison, le prolongement graphique est d'une évidence confondante. Une réussite totale qui honore à la fois le roman d'Exbrayat et la puissance narrative de la bande dessinée.