L'histoire :
En 1929, Pierre Hemmer a une dizaine d’années lorsque sa vie champenoise bascule. En effet, son père allemand, installé dans une bourgade rurale de Champagne Ardennes depuis la fin de la première guerre mondiale, n’en peut plus des brimades perpétuelles à son endroit. Il décide de s’en retourner dans son pays d’origine et abandonne donc son fils bien-aimé et sa femme (elle aussi revancharde). Au village, Pierre demeure longtemps un « fils de boche », brimé et injurié à longueur de semaines. Il n’y a guère que sa copine Nicole avec laquelle il s’entend parfaitement bien. Ses études l’éloignent un temps à Reims, et lorsqu’il revient au village, un soir d’été, c’est pour découvrir que Nicole est battue par son père. En rage, il part s’expliquer avec ledit paternel… une rixe éclate et pour se défendre, Pierre l’embroche d’un coup de fourche. Nicole a beau l’innocenter, Pierre s’exile définitivement, s’engageant dans l’armée. En revient en France en 1940, pour défendre la patrie contre l’envahisseur allemand. Il a alors le grade de Maréchal des logis et la confiance de compagnons d’armes d’origines étrangères...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre et les couvertures de ce diptyque (un résistant avec une croix de Lorraine / un nazi avec une croix gammée) ne font pas grand mystère de leur contenu : durant la seconde guerre mondiale, un héros de sang franco-allemand se trouve tiraillé entre les deux camps. Le propos repose dès lors sur les éléments sensibles qui font qu’on prend part pour une idéologie ou une autre. En effet, il suffit souvent d’un détail, d’un choix anodin pour décider de l’orientation d’une vie entière. Dans cette mise en bouche, le scénariste Edouard Chevais-Deighton (pour qui il s’agit de la première œuvre de BD), ne prend guère le temps de s’attarder sur les séquences : il s’agit d’embrasser une destinée complète en seulement 46 planches. Le héros Pierre s’y voue corps et âme au patriotisme allié : il est haut-gradé dans l’armée française, s’exile à Londres avec de Gaulle et revient en catimini pour s’engager au sein de la résistance. Comme dans la plupart des récits s’intéressant à cette époque trouble de l’occupation, plane un parfum de romantisme aigre-doux, grâce à la présence de Nicole. Ces évènements seront toutefois à remettre en perspective à la lecture du second tome, dans lequel Pierre fait un autre choix de vie et se retrouve engagé au sein de l’armée du Reich. Si les deux tomes peuvent se lire indépendamment, ils sont donc indissociables l’un de l’autre et ne dévoilent leurs substance qu’au travers leur parallélisme. Chevais-Deighton n’innove pas tout à fait, car le mécanisme des destins parallèles a déjà été exploré, notamment au cinéma (Smoking/no smoking, Un jour sans fin…). Mais il semble que ce soit l’une des première fois qu’il soit mis en relief en BD de manière aussi limpide, dans un contexte fort à propos. Le dessin réaliste en couleurs directes, signé Stéphane Agosto, montre quant à lui un certain talent, une belle application, mais aussi une large marge de progression…