L'histoire :
Né d’une mère française et d’un père allemand, le petit Pierre Hemmer est détesté par tout son village champenois en 1929 : il est, et restera à jamais, un « fils de boche ». Et son amour pour la petite Nicole ne suffit pas à le faire rester, lorsque son père décide de repartir outre-Rhin. Pierre trouve en effet les mots qui l’incitent à l’emmener avec lui. A cette époque, l’Allemagne peine à se relever de la première guerre et dans les années 30, la crise est terrible pour les petites gens comme Frantz Hemmer. Pour assurer le minimum à son fils, il se syndique et finit par participer à des meetings communistes, réprimés par la Gestapo. Lors d’une rafle, il est assassiné, et les autorités font croire à Pierre que ce sont les communistes qui ont tué son père. Pierre devient donc pupille de la nation et voue son existence à la seule valeur qui lui rend son honneur, le parti nazi, en embrassant une brillante carrière militaire. Quelques années plus tard, ses notes excellentes et sa réputation d’intransigeance lui valent de devenir Sturmbannführer. Nous sommes alors aux prémices de la seconde guerre mondiale. Francophone, Pierre rejoint l’Abwehr (le service de contre-espionnage de la Wehrmacht) et il est envoyé à Paris pour infiltrer les réseaux communistes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier tome nous avait présenté le destin de Pierre Hemmer, franco-allemand engagé dans la résistance durant la seconde guerre mondiale et mort pour la France. Cette seconde partie reprend exactement la même période (de l’âge de 10 ans jusqu’à sa mort), mais avec une option différente : au lieu de rester en Champagne, Pierre part en Allemagne avec son père. A partir de cet instant T, de cette décision cruciale, tout son destin bascule donc : dans cette option numéro 2, Pierre devient un pur salaud, un nazi de la pire espèce. En marge de récits historiques crédibles et prenants, l’astuce de ce diptyque – deux volets indépendant et pourtant indissociables l’un de l’autre – repose sur un procédé narratif original : il ne s’agit pas d’un récit chronologique, mais de deux hypothèses de vies parallèles. Et le scénariste Edouard Chevais-Deighton d’explorer par là, la part de l’inné et de l’acquis dans un parcours de vie. Qu’est-ce qui fait qu’on devient un salaud ou un martyr ? Dans cette démonstration en BD, a priori peu de chose : nos destins se bâtissent sur des détails. Une campagne télévisée contre l’alcool au volant offre d’ailleurs actuellement le même mécanisme de devenirs parallèles. Chevais-Deighton boucle la boucle astucieusement en offrant strictement le même funeste résultat aux deux trajectoires de Pierre. Un final malin, qui donne tout son sens aux moult questions sans réponses qui découlent de cette thématique. Pour être graphiquement cohérent, ce second volet est également dessiné sur un mode réaliste en couleurs directes, mais cette fois par Philhoo (Philippe Hoogue) pour qui il s’agit également de la première bande dessinée. Si la ligne artistique est différente de celle de Stéphane Agosto (qui œuvrait sur le premier tome), les mêmes défauts et qualités sont à relever : un joli boulot, encourageant, mais le style est encore partiellement inabouti.