L'histoire :
En septembre 2011, la saisie spectaculaire de véhicules de luxe à Paris fait hurler de colère Teodore Nguema Obiang, fils du président de la Guinée Equatoriale. Son coup de fil au secrétaire général de l'Elysée ne donnera rien. L'enquête est lancée, c'est le début de l'affaire des « Biens Mal Acquis ». Soit la première étape d'une série d'enquêtes permises par les dépôts de plaintes de Transparency International, entre autres, dont la recevabilité fut un combat en soi. La justice française va enfin s'attaquer aux massifs détournements d'argent public perpétrés par des familles qui s'arrogent le pouvoir dans des pays africains riches de réserves pétrolières. Car la Guinée Equatoriale n'est pas le seul pays concerné par ces mouvements d'argent liquide qui dépassent l'entendement, et par ces commissions occultes sur fond de matières premières. Le Gabon et le Congo Brazzaville sont également au cœur d'un système post colonial né dans les années 60, qui tisse des liens financiers entre les familles dirigeantes et des hommes politiques français. Noms et exemples à l'appui, nous découvrons comment des noms très connus, en France comme dans ces pays d'Afrique, ont mis en place et perpétué un système de liens financiers révoltant...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme un article de fond qui résulterait de l'enquête approfondie de journalistes d'investigation, le propos est édifiant du début à la fin du livre. A partir de la richesse que constituent les réserves de pétrole, les dirigeants de pays africains et les élites politiques en France ont construit une machine à détournement de fonds absolument cynique. Le scénario de Xavier Harel consiste à rendre compte du travail effectué au départ par le CCFD, une ONG bien connue pour son travail avec les pays en développement, et Transparency International, pour parvenir à structurer un dépôt de plainte recevable. Et bien entendu, à décrire la mécanique exacte des circuits d'argent. L'intérêt et la force de l'album résident dans l'énoncé des faits, et de manière étonnante dans la manière très directe dont les noms des acteurs des manipulations financières, ou tout simplement les porteurs de valises de billets, sont cités. Hommes politiques, banques, avocats, rien n'est flouté dans ce récit très direct, ce qui surprend énormément lorsqu'on met en parallèle les propos ici tenus et les interviews de ces célébrités dans les médias. Le personnage central de Jean Merckaert, à l'origine des révélations, est utilisé comme narrateur par les auteurs, ce qui rend la lecture de cette enquête assez fluide. Julien Solé réussit parfaitement les portraits d'hommes politiques connus, et évite les pièges d'une mise en image trop statique. On écarquille les yeux devant l'énormité des faits énoncés, et on remercie les auteurs de terminer leur album sur la touche presque optimiste d'une justice qui peut enfin s'exercer.
