L'histoire :
En 1964, le capitaine François Guérin est un plongeur expérimenté dans la Marine Nationale Française. Il s’affranchit aussi bien de sales missions de barbouze que de campagnes officielles. Il vient notamment de faire exploser un yacht en Méditerranée et regagne nuitamment, selon le plan logistique prévu, sa base parisienne de la SDECE. Dès son retour, l’amiral Janzac lui signifie qu’il doit déjà repartir en mission, 3 jours plus tard, pour Vanikoro (les îles Salomon, dans le Pacifique). Guérin devra rejoindre une mission d’ampleur sur le site littoral du naufrage de Lapérouse en 1788. Avec l’équipe militaire, ils devront établir la preuve que les vestiges récemment remontés appartiennent bien à la Boussole, le navire principal de l’expédition lancé deux siècle plus tôt par Louis XVI. Cet objectif « poussiéreux » manque clairement d’action pour Guérin… mais il n’a pas le choix. Et au moins, ce genre de mission fait plaisir à son papa, féru de recherches mémorielles. Quand il annonce à sa fiancée qu’il repart encore, et de l’autre côté de la planète, celle-ci le quitte. Guérin profite du long voyage et de ses nombreuses escales pour se cultiver en lisant l’épais dossier que lui a préparé sa hiérarchie. Il engrange toutes les informations connues sur l’expédition jusque mars 1788…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça commence comme un thriller d’action et d’espionnage : sur la première planche, un plongeur mine un yacht, qui explose avec ses passagers, façon grotte de Nouméa. Pourtant, ce sera là le seul acte « atroce » de ce barbouze qui occupe le rôle du héros dans cette histoire quasi documentaire. Car Marie-Agnès le Roux et Laurent-Frédéric Bollée nous propose durant 154 planches de suivre les recherches sous-marines et archéologiques authentiquement effectuées en 1964 pour retrouver l’épave de la Boussole, l’un des deux navires emmenés par Lapérouse à la fin XVIIIème et qui ont fait naufrage dans de mystérieuses circonstances. Les auteurs annoncent d’emblée avoir pris des libertés avec la véracité, à des fins romanesques. Or sur le plan narratif, c’est parfaitement efficace. Car le ton reste celui du thriller, avec des tensions, des guéguerres de pouvoir, des éléments perturbateurs – et aussi un peu de séduction – alors même qu’on ne s’éloigne jamais d’un propos finalement « sage » et culturel : des fouilles archéologiques plausibles et peu sensationnelles. A l’époque, il s’agit juste de remonter à la surface la preuve infaillible de ce qu’on sait déjà. Pour le spectacle, Patrick Prugne nous a raconté ce qui s’est probablement passé en 1788, dans Vanikoro (chez Daniel Maghen). Bollée continue quant à lui de creuser la thématique australe, océanique et historique entamée à travers les biographies de James Cook et de Flinders (Les horizons amers) ou ses Terra Australis et Doloris. Mais l’intérêt qu’on accorde à cette histoire est aussi porté par le dessin semi-réaliste de Vincenzo Bizzarri. Détaillé dans les décors, idéalement ambiancé pour toujours correspondre aux « moments », avec des personnages parfaitement proportionnés dans des postures exactes… Ajoutez à cela une psychologie de personnages crédibles, ainsi que des cadrages et un rythme séquentiel totalement immersifs. Un sans-faute.