L'histoire :
Automne 1959. Le commissaire de police Paul Verne pensait passer une soirée tranquille dans son appart parisien, en compagnie de Marie-Laure, sa nouvelle girlfriend, prof de littérature… Lorsque le téléphone le prévient en soirée de se rendre sur une scène de crime. Luc Chevalier, ancien d’Algérie et toujours étudiant en médecine, vient de se faire poignarder par deux « bicots », comme son collègue appelle les gens typés méditerranéens. Un témoin qui promenait son chien informe que l’un des deux agresseurs a filé en emportant un sac en tweed. Verne se prépare à une enquête méticuleuse, qui débute par une visite de la chambre de Chevalier, chez ses parents. Puis le jour de l’enterrement, par la filature d’un des présents qui ne se mêle pas à la foule. De filoche en filoche, l’équipe de policiers détermine l’identité de l’individu apparemment visité par la victime le soir du crime : Alain Kerguelen, acteur de théâtre seconde zone. Bientôt, c’est tout un réseau de militant français œuvrant pour l’indépendance de l’Algérie et le financement du FLN qui est mis à jour et auquel participait visiblement Chevalier. Les investigations de Verne lui valent aussi d’être contacté par un ponte de la DST…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voilà le troisième opus d’une série-presque-concept proposant des enquêtes à trois ères étatiques différentes du XXème siècle. Le scénariste Philippe Richelle confirme qu’il applique la stricte même base policière à chacune époque, même si la suite varie. En effet, le héros est encore un commissaire de police qu’on branche sur une affaire de meurtre, qui elle-même tire sa substance de la dernière guerre en vigueur. En cette année 1959, c’est la boue de la guerre d’Algérie qui est remuée et il n’est nul besoin d’être féru d’Histoire pour savoir que cette fange-là fut particulièrement dégueulasse. Plus l’enquête de Verne progresse et plus les « lièvres » soulevés sont gros : contacté par la DST, il fraye avec l’affaire d’Etat et à en croire le traditionnel flashforward d’introduction, il en pâtit encore une dizaine d’années plus tard. Les amateurs de polars peuvent donc une nouvelle fois se lécher les babines : Richelle est un spécialiste de ce minutieux registre de décortiquage à tiroirs et pour ne rien gâcher, il sait s’entourer de dessinateurs talentueux et besogneux. Ici, François Ravard déroule un dessin semi-réaliste de grande classe, régulier, abouti, complet dans tous les compartiments du job. Enfin, Claudia Boccato, dont la colorisation se montre encore une fois irréprochable, prouve son aptitude à s’adapter à différentes lignes graphiques. Des trois premiers mystères républicains publiés de conserve, celui-ci est sans doute le plus fluide, sans y perdre de profondeur.