L'histoire :
Tout commence au cœur de l'outback australien, lorsqu’un mystérieux client japonais se fait conduire vers le chantier en construction d’un bâtiment perdu dans l’immense propriété qu’il a achetée quelques mois plus tôt à Benjawarn Station. Une armée d’ouvriers obéissent au doigt et à l’œil à leur leader, le chauffeur se fait quant à lui renvoyer sans ménagement une fois sa course accomplie. Que peut donc faire ce riche japonais dans un no man's Land où l'on ne rencontre que quelques descendants d'aborigènes et leurs troupeaux de moutons ? Pendant ce temps, un élève du conservatoire de Nagoya, au Japon, franchit les portes d'une secte dont le livre du gourou l'à fasciné. Kamui Toshi est tout sauf un esprit faible, mais la théorie de Shoko Asahara, fondateur d'Aun Shinrikyo, lui semble proposer une vision nouvelle pour affronter la difficulté de ses études. Il va pourtant très vite réagir lorsqu'il est sélectionné pour saisir et transcrire l'inspiration musicale du grand maître, totalement falsifiée. Bien mal lui en a pris, il se trouve immédiatement pris en charge de manière violente. Pendant ce temps, un jeune garçon découvre des dizaines de cadavres de moutons dans le bush australien, à proximité de la ferme de Banjawarn Station.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lorsqu’on commence la lecture de cet album sans en connaitre le pitch, on réalise doublement la force de la mise en place de Laurent-Frédéric Bollée, et le formidable atout que lui donnent les plus de 190 pages de ce one-shot. Très progressivement, à travers la vie qui suit son cours de plusieurs familles totalement étrangères à la secte Aun, le scénariste fait croître un suspense remarquable. En multipliant les angles de vue sur l’horreur qui se prépare, il apporte une densité rare à son récit et offre à Philippe Nicloux le temps nécessaire pour des enchaînements très cinématographiques. On se demande ce qui va arriver à chacun des nouveaux personnages que l’on croise, qui font face sans le savoir à un destin inéluctable. Les temps d’arrêt judicieux, les moments consacrés à quelques éléments apparemment anodins, donnent une grande profondeur et une vraie crédibilité aux événements. La lecture de ce nouveau pavé par les auteurs de Terra Australis est de ce fait absolument addictive. L’auteur apporte exactement les informations nécessaires pour raccrocher avec la réalité des évènements qu’a connus le Japon en 1994 et 1995, sans trop en faire, sans jamais ralentir la progression de son récit. La maîtrise totale de la technique narrative du duo culmine de manière époustouflante dans les dernières pages de l’album, mémorables. Un nouveau coup de maître par deux auteurs qui utilisent le format du roman graphique avec exigence et une formidable efficacité.