L'histoire :
Las Vegas et les façades clignotantes de ses casinos. Las Vegas et ses avenues peuplés de joueurs impatients… et son petit restaurant italien « Pizza Luigi». Ici, ça brille cependant nettement moins. Le patron est plutôt sympathique, mais on a des vieux tonneaux de bières en guise de chaises et la pizza n’est pas toujours aussi digeste qu’on l’aurait souhaité. C’est pourtant ici qu’ils ont choisi de fêter leur 20e anniversaire de mariage. Là et pas ailleurs : dans ce même restaurant où ils se sont rencontrés il y a deux décennies. Il y a là aussi un drôle de bonhomme qui fume et tousse plus qu’il ne touche à son plat, qui jette de rapides coup d’œil à sa montre, comme impatient, qui se laisse distraire par un insatiable vendeur d’aspirateurs. Du beau linge… mais qui fait pâle mine lorsqu’arrive un vieil habitué de l’établissement, le célèbre Frank Sinatra. Le chanteur est accompagné d’un garde du corps, de son inquiétant impresario, mais surtout de Sam Frizotti, un ami d’enfance à la langue bien pendue. Un rigolo, grande gueule, si prompt à titiller son vieux copain que son crâne ne tarde pas à rencontrer une bouteille de whisky.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On entre dans cette pizzeria kitch des années 60. On observe, curieux, le petit couple qui honore d’une pizza indigeste ses 20 ans de mariage. On s’amuse de la logorrhée pénible du représentant d’aspirateur. On s’inquiète de ce client chipotant sur sa Calzone…. Mais on se demande bien comment ce coquin d’auteur va s’y prendre pour nous intéresser 80 pages durant. Pour ne rien vous cacher, on était un peu dubitatif au départ, mais force est de reconnaître que ça fonctionne aux petits oignons. Marion Mousse se livre en effet à l’exercice du huis clos avec beaucoup de talent. Au centre de celui-ci, Frank Sinatra, ni plus ni moins, commettant l’irréparable sur le crâne d’un copain d’enfance, le titillant au-delà de la raison. Il s’agira alors de se débrouiller pour que le célèbre crooner n’endosse jamais la responsabilité de ce vil assassinat. Servi par une palette restreinte, mais soignée, de protagonistes, des dialogues entrelaçant humour et philosophie, le jeu psychologique découlant du contexte proposé est un régal qui s’avale sans sourciller. Rab de mozzarella sur notre spécialité italienne : un final réjouissant mêlant surprise, humour et offrant une issue crédible au récit. A la fois naïf et volontairement mal dégrossi, le travail au lavis en noir et blanc s’ajuste, quant à lui, parfaitement à l’ambiance de ce huis clos ingénieux. Une lecture en tous cas très agréable et aux accents si théâtraux, qu’on entendrait presque, en tournant les pages, les planches de la scène craquer sous le poids des comédiens. A découvrir…
