L'histoire :
Cellule 24. Un gardien dépose sa pitance à un prisonnier dans sa cellule. Ailleurs, Zack et Emily fuient ceux qu’ils servaient, se sentant trahis. Ils arrivent jusqu’au ruines d’un endroit censé ne pas encore exister, Utopia, dont la découverte pourrait amener la chute de « New Byzance » et de son leader Omar. Cette utopie fondamentaliste musulmane est un système totalitaire « Al Quaïdien » résultant des braises ardentes du 11 septembre. Zack et Emily y sont faits prisonniers par Carmine, une jeune rebelle défigurée à l’acide. Celle-ci les conduit auprès d’Andy Miller, chef de la zone interdite et des ennemis de la foi. Or cet ancien chercheur en neurobiologie est à l’origine du développement des pouvoirs utilisés par Zack… Zack Kosinski, « quelqu’un dont le job consiste à projeter des rêves dans l’esprit des gens afin d’influencer leur comportement ». Il était un des personnages les plus importants du système, de par sa prescience (pouvoir de lire dans l'avenir) lui permettant de localiser des criminels avant qu’ils le deviennent et de les rééduquer par le rêve. Contraint de rejoindre la clandestinité en compagnie d’Emily, devenue paria en dénonçant l’infidélité de son époux, il parvient donc à rencontrer Miller. Celui-ci leur propose d’entrer dans la clandestinité et d’accomplir des missions pour le compte de la rébellion. C’est ainsi qu’ils retrouvent Tia lors de leur première mission. Mais qui est véritablement Zack Kosinski ? Un visionnaire au service d’une utopie totalitaire ? Un voyageur capable d’appréhender plusieurs réalités ? Comment va-t-il réagir face à l’inconnu ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Première des 3 sous-séries du futur décalogue Uchronie[s] (3 fois 3 tomes + 1 tome final), le 1er opus de New Byzance nous avait laissé perplexe quant à la perception de la réalité. Au passage, chacun des tomes 1 de chaque sous-série se concluait sur une dernière planche de symbiose, de liaison entre les 3 univers parallèles. L’intérêt de cette architecture était de trouver 3 réalités différentes de la grande cité américaine post 11 septembre 2001, 3 univers parallèles dont le fil rouge semble être Zack Kosinski. New Harlem est gouvernée par un black power où Zack est plus jeune et pas encore prescient ; dans New Byzance l'Islam est devenu la religion majeure ; et enfin dans New York, Zack a 20 ans mais vient de passer les 10 dernières années dans un sommeil artificiel, créé et maintenu par son père (qui n’est autre qu’Andy Miller dans New Byzance). Mais Zack n’a pas le monopole de la récurrence à travers ces 3 univers : il y a donc aussi Andy Miller, Tia, ou encore le projet architectural Utopia (le bien nommé ?). La rééducation criminelle par le rêve est également un des fils rouges de ce triple récit, ce qui rappelle Orange Mécanique ou, à un degré moindre, Brazil. New Byzance est donc la résultante d’un Al Quaïda qui aurait triomphé et transformé New York en siège du fondamentalisme musulman, et asservi la femme en la reléguant à un rôle de faire-valoir. Graphiquement, les planches très denses et parfaitement maîtrisées donnent aux lignes et aux courbes un aspect oriental. Le superbe dessin réaliste d’Eric Chabbert mêle architecture orientale moderne avec des buildings aux sommets ornés de coupoles ou minarets. Décors et personnages sont ainsi fort bien modélisés, assez crédibles. Les vues plongeantes et panoramiques de la nouvelle cité sont magnifiques, la colorisation et l’éclairage étant, eux aussi, à la hauteur du dessin (soulignons également les superbes couvertures de Richard Guérineau !). Mais revenons au scénario. Les premiers tomes nous avaient alléchés par leurs univers sombres où politique et religion se mêlent, où réalité et fiction fusionnent. C’est certes ambitieux, voire prétentieux, mais il n’en reste pas moins que le postulat de départ est intéressant. Il nous faudra cependant attendre la fin de la série pour mesurer la portée de l’histoire et la cohérence de l’ensemble. Pour le moment, le scénario semble astucieusement ficelé, élaboré avec efficacité, et les corrélations spatio-temporelles entre les lieux et les personnages demeurent logiques. Mais il ne faudrait pas que nous nous perdions dans les méandres de l’histoire… De plus, on se laisse porter par les critiques des régimes dénoncés, sans qu’une véritable réflexion s’offre encore à nous. La finalité de tout cela ressemblerait-elle à celle de Frontière ou d’Arq, où les mondes parallèles sont les fruits d’un cerveau… Et quant bien même, l’un des mondes parallèles sera-t-il « réel » ? Vivement le tome 10 !