L'histoire :
Il y a encore quelques jours, Lucio et Lucia ne se connaissaient pas. Tout a commencé pour eux par un spectacle de magie, pour lequel ils étaient deux quidams dans le public. L’étrange et inquiétant Duc Mille-Pattes les a invités à le rejoindre sur scène pour une séance d’hypnose très particulière. Il les a assis dos l’un contre l’autre, les a littéralement momifiés à l’aide d’un mystérieux ruban, puis a versé un plein bidon d’essence… et leur a mis le feu ! Aussitôt, ils ont eu la sensation d’éclore d’un œuf géant, au sein d’une forêt de gigantesques arbres. En entrant par la faille d’une grotte, ils sont alors réapparus en scène et au public par l’ouverture du rideau. Le tour était réussi… mais il les a profondément métamorphosés ! En effet, depuis lors, chaque nuit, ils se transforment en oiseaux géants, durant une phase de métamorphose spectaculaire. Pour tenter de comprendre son état, Lucia demande à un type rencontré en boîte de nuit de la surveiller. Ce dernier assiste ainsi médusé à la métamorphose. Il récupère ses vêtements et son portable et, intrigué, décide d’investiguer. De son côté, Lucia, habitée par son double sauvage et animal, s’est envolée. L’oiseau de proie qu’elle est devenue s’est alors emparé du couffin d’un jeune couple, par une fenêtre du balcon laissée entr’ouverte. Un couffin contenant un bébé, qu’elle a livré au Duc Mille-Pattes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ces Vertiges nocturnes, présentés sous la forme d’un petit format souple, mais de 144 pages, via un noir et blanc fortement encré, l’argentin Salvador Sanz se livre à un exercice ésotérique un peu hermétique. Alors voilà : la nuit, Lucio et Lucia se transforment en oiseaux de proie géants ; et manipulés par un mystérieux sorcier à tête d’oiseau, ils détournent des missiles ou volent des bébés. D’ailleurs, les autorités envoient les porte-avions de l’armée pour régler ce léger souci. Voilà voilà… « et la marmotte met le chocolat dans le papier ». Quelque part entre le Birdy d’Alan Parker et la Mouche de David Cronenberg, cette partition bizarroïde chiffonnera les cartésiens qui aiment comprendre le pourquoi du comment, et surtout le contexte. En effet, on ne sait pas très bien si on verse dans la magie hard-boiled ou une dimension parallèle à la Matrix. Cette sorte de thriller gothique a le mérite de dévoiler le talent graphique de l’artiste, notamment pour exploiter la thématique horrifique, onirique et surtout ornithologique. Son dessin est abouti et donne parfois à voir de magnifiques paysages d’un autre monde, proches du voyage microscopique et intérieur dans la sphère des oiseaux. Il s’avère tout aussi précis lors des séquences majoritaires dans notre monde contemporain (les décors urbains, les avions…). Un artiste à suivre, pourvu qu’il soit accompagné d’un scénariste.
