L'histoire :
« Si un homme, dans un rêve, traverse un jardin et coupe une fleur, et en se réveillant a la fleur dans sa main, alors qu'en est-il ? » Ainsi s'achève Songes de pleine lune, un des épisodes de ce recueil au sein duquel la réalité se confond encore davantage avec le rêve. Telle cette histoire de Celvira, fille métisse du grand Totlan, expliquant aux coins du feu de camp à Alvar que son père a fait un rêve récemment dans lequel son ennemi venait le tuer. Elle charge notre héros d'aller capturer ce dernier afin d'éviter que ce rêve se réalise. Mais enfermé, l'autre indien rêve qu'il tue son ennemi. Ce qui arrivera vraiment, comme par magie... Dans Angela, le premier épisode, un vieillard charge Alvar de le guider dans la jungle afin de retrouver son amour, enfermée dans une forteresse, que son acolyte Julian Rosales lui a dérobée lors de leur quête de l'or du Pérou. Mais ce vieil homme a-t-il encore toute sa tête ? Tout comme ce puissant vieillard, Don Diego, réduisant nos companieros en esclavage, avec d'autres pauvres hères, afin de lui construire une forteresse digne de résister à l'invasion de l'Ennemi. Mais de quel ennemi s'agit-il ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Qui mieux qu'Enrique Breccia, amoureux des grands espaces, des chevaux et des indiens, pouvait rendre l'ambiance de cette époque trouble ainsi que les attitudes de ces soudards, cartographes, explorateurs fous, avides de richesses ? Dans ce troisième et sans doute dernier recueil, Alvar Mayor n'a pratiquement affaire qu'à des épisodes où l'onirisme prime, ou bien où la folie mène la danse, comme dans les quatre chapitres tirés des revues 80’s Skorpio numéro 84 (l'aventure devient folle) au numéro 87 (la fin de la folie). Rarement les fous n'auront été si bien mis en valeur, et cette bande dépareillée pourra évoquer avec humour Les aveugles de F’murr, publié en 1992. Retrouver les ambiances si spéciales de cette série découverte tronquée en France en 1983, dans autant de récits inédits, magnifiés par un papier épais, une bonne impression, un cartonnage précieux et une traduction passionnée, cela fait l'effet d'une sorte d'Eldorado, de trésor que l'on ne mérite pas. Car le dessin noir et blanc d'Enrique Breccia est là, dans toute sa splendeur, rendant grâce, à l'aide de hachures croisées, de parchemins, de petits papillons, de femmes fatales évanescentes, de choppes rouillées, de vieux chapeaux pointus, d’indiens momifiés, de lances acérées, d'épées tranchantes, ou encore de ruines, aux contes philosophiques fantastiques et si poétiques de Carlos Trillo. A part un récit : Deux fois Villazona, que l'on devine publié directement à partir d'une revue, cette lecture est agréable, envoûtante, riche de planches ciselées à l’encre ! Les deux derniers abordant tel un « au revoir » les aventures supposées du père du héros, d'après l'un de ses vieux compagnons. Que lui est-il arrivé au final ? Le saurons-nous un jour ? Laissez-vous happer par la magie de ces contes, incomparables, à moins d'aller flirter du côté des grands italiens de la même époque. Avec Alvar Mayor, les éditions Ilatina ont commencé à défricher les richesses mythiques argentines. Notre reconnaissance n'est surpassée que par l'avidité d'autres trésors. Beau comme un churrique d'or ensorcelé, avec en bonus une interview exclusive du maestro !
