L'histoire :
Les Selk'Nams sont les habitants de la Terre de Feu, dont Charles Darwin avait dit qu'ils représentaient le degré de l'évolution humaine le plus bas et le peuple resté le plus proche de l'homme préhistorique. Ce jugement, ainsi que la conquête forcenée des territoires de l'Amérique du Sud par l'homme blanc les condamna irrémédiablement à la disparition. Pourtant, la culture des Selk'Nams continue de hanter la société chilienne, et les rares photos qui en restent ont quelque chose d'hypnotique, de magique. Embarquez dans une véritable enquête historique et sociologique autour de ce peuple et de leur héritage au Chili. Une BD reportage sous forme de réparation historique pour ce peuple disparu... Mais a-t-il vraiment disparu ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rares encore, aujourd’hui, sont les albums de bande dessinée abordant des sujets documentaires avec autant de sérieux journalistique, utilisant nombre de sources, dont des entretiens, pour redonner comme ici à l'histoire une autre vérité, tout en abordant leur sujet avec d'indéniables qualités artistiques et une touchante empathie. Carlos Reyes et Rodrigo Elgueta, déjà responsables de l'album Les années Allende aux éditions Otium nous ont prouvé qu'ils en étaient capables, mélangeant avec grande finesse le fond et la forme. Ils récidivent ici afin de remonter le fil de l'histoire d'un peuple si proche de la terre et si éloigné des autres hommes de son époque, qu'il n’a pu que subir leur incompréhension et leur cruauté. Si une première édition argentine l’a précédée, il faut comprendre que cette édition a été partiellement revue afin de mieux s'adapter aux lectorats européens. Thomas Dassance, son éditeur français et traducteur, ayant vécu une vingtaine d'années en Argentine, connait en effet bien le scénariste et s'est associé, pour le meilleur, à la création avec le duo créatif. Il en ressort un album à la fois dense et fluide dans sa narration. Il développe par le biais de nombreux entretiens entre les créateurs et d'autres professionnels ou amateurs, leurs relations avec cette culture si intrigante, vue de notre époque. L'exercice pouvait paraître dangereux, mais l'équipe s'en sort avec brio. Carlos Reyes jongle avec les codes de la narration, ayant bien retenu, entre autre, les leçons de cet « Art invisible » (référence à l'ouvrage éponyme de Scott Mc Cloud) tandis que Rodrigo Elgueta fournit un dessin noir et blanc élégant, capable de se diversifier suivant les époques, les situations et les personnages traités, allant même jusqu'à évoquer les graveurs classiques pour un passage consacré à Magellan. Ses plus hauts faits d'armes restant toutefois ses lavis gris, proposés en nombre restreint au sein de l'album, et rythmant avec pertinence et goût un album subtil. Une œuvre artistique et de mémoire qui fera date, sans aucun doute.
