L'histoire :
De courtes histoires s'ouvrent par une page ou parfois un peu plus, de BD/texte illustrés. Chacune est suivie par des grands dessins pleine page. Le pèlerinage sert d'introduction. Les personnages centraux, abordés plus tard, auront chacun leur portrait dessiné. Le laboureur inaugure la série, en vrai ou faux naïf, pour conter Le faune, histoire muette d'une belle paysanne aux foins poursuivie puis « séduite » par le faune. Le chevalier, en pays Sarrasin pour les Croisades, évoque Daphnis et Chloé (que l'on connaît par la musique de Ravel), à Lesbos, île grecque. Touchante, cette histoire de jeunes berger et bergère de moutons, instruits malgré eux par le faune sur les choses de l'amour charnel... d'une saveur pastorale et sereine, servie par un dessin délicat. Avec Grisandole, c'est un chevalier, en fait une femme, guerrière et revêche mais gracieuse, qui, une nuit, est comblée par un faune : rêve ou réalité ? L'alchimiste, dans l'histoire éponyme, vieux et sentant la fin, se transforme en faune afin de goûter enfin certains plaisirs de la vie. Il croise Perette, celle du pot au lait d'un conte célèbre : « Il enfourcha aussi Perette, une jouvencelle plus marrie d'avoir cassé son pot que d'avoir perdu son pucelage. Suivent Les deux nonnettes, La veuve et Etheldrèle.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quand on connaît l'expérience maintenant riche et longue de Jean-François Charles, par ses nombreuses BD et autres livres qui nous ont enchantés, parler de belles images est un pléonasme. En effet, voici un beau livre, au charme spécial, qui fait en quelque sorte un complément coquin à son Artbook paru en 2020 chez Casterman. Mais il y a plus : les textes délicieux, de sa femme Maryse comme souvent, nous plongent dans un autre monde. Elle conte, à la manière des temps anciens mais en langage accessible, des histoires inventées, originales (sauf exceptions comme Daphnis et Chloé) qui font revivre un passé perdu. Et le plaisir de la langue nous transporte, gentiment, drôlement, sans vulgarité. Rien de choquant dans ces contes et même ces dessins (sauf pour des esprits rétrogrades), où le style de Charles est très reconnaissable. Quelques pages illustrées, au style volontairement plus naïf ou simplifié, forment un contraste avec les grands dessins pleine page. Les pages de présentation de chaque histoire ont une lettrine et un entourage de petits dessins dérivés des enluminures anciennes. En bonus, au début du livre, un « jeu du faune » (présenté comme ancêtre du jeu de l'oie) offre 69 dessins comme autant de petites scènes entre faune et divers personnages. « Edité sans l'autorisation de l'Inquisition », prévient malicieusement la page de titre. En nos temps de tentatives d'inquisition par certains obscurantistes ou esprits grincheux, on ne saurait mieux dire.
