L'histoire :
Berlin, fin des années 50. La jeune Dora est recrutée par le Berlin Document Center, département d'Etat des Etats-Unis qui gère tous les documents saisis aux nazis à la fin de la guerre. Progressivement , les Etats-Unis restituent les fiches de renseignements sur les membres du NSDAP, de la SS et de la SA à la RFA pour éviter de perturber le processus démocratique en cours. Dora Bardavid travaille dans un service d'archives et vit en colocation avec une jeune étudiante, Lotte. Au fur et à mesure de sa progression dans le travail d'archivage, Dora découvre la réalité froide et bureaucratique de la Shoah, son macabre versant administratif et comptable. D'autant plus qu'au fil de ses découvertes, elle revivra son drame familial et replongera dans son douloureux passé familial, avec notamment un père juif assassiné par les nazis et une mère absente. Tandis que sa colocataire Lotte découvre les plaisirs charnels avec un homme mûr, Dora fait la lumière sur cet homme au comportement louche et sur le passé obscur de son amie. Cette plongée dans l'histoire la fera voyager d'Allemagne en Argentine, en passant par la France, puis la mènera sur les traces d'une dangereuse chasse aux nazis...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'Agrume est un tout jeune éditeur qui publie là un premier roman graphique orignal, ambitieux et surprenant, déjà reçu avec les éloges du public et de la critique en Argentine. L'auteur argentin Minaverry retrace le destin d'une jeune fille en proie aux fantômes de son passé familial qui résonnent douloureusement avec Auschwitz, le camp de la mort où son père a été exterminé, et où l'effrayant et morbide Docteur Mengele officia. En parallèle, on suit l'éveil de la jeune fille à la sexualité, lorsqu'elle regarde les ébats de sa colocataire au passé trouble, avec un militaire tout aussi douteux. Un espion ? Tout est lié et rien n'est dû au hasard. Si bien que Dora voyagera entre l'Allemagne démocratique, la France de la guerre d'Algérie et la dictature militaire en Argentine, refuge de certains nazis en fuite. Et justement, c'est bien une quête identitaire que conte Minaverry, doublée d'une expérience du passage à l'âge adulte qui finit par une chasse aux nazis, le journal intime lorgnant alors vers un thriller politique troublant. Assez dense et très documenté, ce récit d'apprentissage procure de réels moments de tension et d'émotion, même si parfois l'auteur n'évite pas les longs exposés didactiques – une manière pour lui de souligner la lourdeur bureaucratique et la comptabilité macabre de la machine de mort nazie. Avec style et sobriété dans le dessin, ainsi qu'un joli noir et blanc parfaitement lisible, l'auteur parvient à capter notre attention sur 200 pages, sans difficulté. La fin du livre annonce même une suite. On ne peut que s'en réjouir.