L'histoire :
Des personnages navrants, désespérants ou comiques, des jeunes en manque de repères, handicapés de la langue française et incapables d'aligner trois mots sans jurer ou insulter, des filles moches, vulgaires ou sexy, des geeks boutonneux, puceaux ou paumés, des célibataires dépressives... les arrondissements de Paris en comptent des centaines. Dans la rue ou le métro, nos jeunes en formation se révèlent illettrés, idiots ou faibles… mais aussi très drôles, à leur insu. Impossible pour eux de comprendre le second degré ou de se faire comprendre. Il en résulte une série de quiproquos pour le moins cocasses ou absurdes. On retrouvera pêle-mêle des banlieusards un peu agressifs, des lycéennes angoissées ou émoustillées par leur découverte du sexe, des clochards insatisfaits, des marginaux inquiétants, des intégristes menaçants, des dragueurs lourdauds, des chauffeurs de taxi prudents, des repris de justice, des gamins insupportables… Bref, un véritable récit de fin de civilisation !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tous parus dans Charlie Hebdo entre 2010 et 2012, les strips de Riad Sattouf (Pascal Brutal, Les Beaux Gosses) retrouvent une seconde jeunesse dans le tome 3 de La vie secrète des jeunes. Toujours aussi tordant ou désespérant, l'univers sattoufien sait se renouveler tout en creusant le sillon d'une sociologie urbaine dense. Au-delà de l'authenticité jubilatoire et navrante de certaines scènes, ce qui suinte dans ces pages, c'est le talent de l'auteur à saisir l'esprit du temps : un peu d'absurdité, pas mal de médiocrité et beaucoup de fautes d'orthographe, retranscrits dans le langage SMS calculé des dialogues (« Keske j'ai fait ? Ouais t'as rézon, cé vré »). Plutôt que de se laisser aller à un défaitisme inquiet et inutile, Sattouf préfère souligner le grotesque de certains comportements et neutraliser par l'humour le pessimisme que pourrait provoquer un panorama aussi franc de la bêtise. Le plus marrant, finalement, c'est encore son fabuleux dessin caricatural, truffé de détails évocateurs, qui seul parvient à exprimer ou communiquer une foule de vérités : un sourire édenté, une tronche tordue, un regard névrosé, une mâchoire désaxée, un livre de Musso, un bouton d'acné, une cicatrice, un vêtement, un appareil dentaire... En apparence naïf et simpliste, le graphisme de Sattouf est en fait un bijou de rigueur, digne des meilleurs caricaturistes. Seul reproche : des sketchs parfois inégaux et un sentiment de répétition par rapport aux deux tomes précédents. Mieux vaut morceler. Toutefois, on ne boudera pas une seule seconde notre plaisir devant l'immense talent de Sattouf, auteur au regard subtil qui propose, en fin connaisseur, un authentique mode d'emploi du jeune, à la fois féroce et terriblement réaliste... Bien ou bien?
