L'histoire :
Pour Camille, tout commence par une histoire québécoise. En septembre 2001, en vacances à Montréal, elle s’est amourachée d’un « autochtone ». Et si les attentats du World Trade Center la contraignent à prolonger son séjour d’une dizaine de jours, elle doit tout de même se résoudre à rentrer en France. Julien semble vraiment très amoureux. A son retour, elle est inondée par ses messages d’amour, au point de n’avoir plus qu’un objectif : repartir au Canada le plus rapidement possible. Aussi essaie-t-elle d’organiser la poursuite de sa Maitrise de Droit dans ce joli pays. Cependant, c’est une sacrée galère qui lui donne un sentiment d’incapacité à mener ce projet à bien. Que va penser d’elle Julien ? Harcelée par son québécois, incapable de prendre une vraie décision quant à son départ, avec la complicité de sa sœur jumelle Chloé, elle tente de rompre définitivement avec son « fiancé » canadien. Cette problématique, conjuguée à l’approche des examens, la plonge dans un stress insoutenable. Un soir, alors qu’elle est en pleine révision, elle fait une importante crise d’angoisse : panique, souffle coupé, courbatures, accélération du rythme cardiaque… Elle est à bout. D’ailleurs, sans le savoir, elle vient de franchir une étape vers la maladie et la dépression.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aidée par son père, qui co-scénarise ce récit autobiographique touchant, Emilie Guillon nous offre le témoignage de son parcours face à la maladie. Des premiers signes extérieurs forts de son profond mal être, jusqu’aux prémices de l’acceptation de sa bipolarité, on suit son douloureux chemin. Tentatives de suicides, automutilations, frénésies compulsives (achats, sexe, alcool…), pression sentimentale ou scolaire, rapport douloureux avec la famille proche, décrivent en effet avec justesse l’infinie sinuosité de la piste que son destin a empruntée. Chronologique, méthodique et n’offrant que très peu de prise de recul, ce récit touche par son réalisme saisissant. Ici on ne cherche pas à appuyer sur une quelconque de nos manettes compassionnelles pour séduire. On dresse les faits. On les jette parfois un peu brutalement sans explication. Tant pis pour les miracles poudre aux yeux et les happy ends hollywoodiennes : on comprend vite que c’est pour toujours que la maladie est là. Au-delà de cette quasi-inexorabilité si bien transmise, on comprend que les premiers pas faits par Camille / Emilie pour s’en sortir passent par l’acceptation de sa maladie. Une pathologie sur laquelle quelqu’un met enfin un nom et qui, soudainement, apparait à ses yeux non plus comme un « caprice » mais comme quelque chose qui peut être soigné ou tout du moins atténué. Le choix d’un témoignage frontal a peut-être un défaut : déshumaniser un petit peu ou plutôt rendre les choses plus techniques que passionnantes et à ce titre intéresser ceux qui, pour une raison ou pour une autre, se sentent concernés. En tous cas, le récit invite chacun à appréhender la « dépression » dans un sens moins restreint qu’à l’accoutumé. Au dessin, Sébastien Samsom livre un bon travail. Son trait est séduisant et le joli choix des cadrages et les mouvements, donnent une très bonne lisibilité de l’ensemble.
