L'histoire :
Alice, jeune helvétique au caractère posé, débarque dans la capitale française, en plein cœur du quartier hot, Pigalle. Là-bas, la nuit, les « sex-shops prennent le pouvoir », quand ce ne sont pas les rabatteurs. On y trouve aussi quelques peep-show ou bars à entraineuses. Après s’être familiarisée avec les lieux, la suissesse fait la rencontre de jeunes parisiens au boulot. Trop nombreux pour pouvoir les mémoriser, elle donne à chacun un nom de quartier : Onzième, la chef de service, vit dans un ghetto branché, Barbès est un peu timide, Seizième habite un quartier chic ou personne ne veut plus vivre (c’est mort le jour !) et Lamarck Caulaincourt est un jeune couple qui aime les partouzes et le voyeurisme. Un constat pour Alice : ils ne parlent que de sexe, quand ce ne sont pas les magazines avec leur rubrique sexo. Seraient-ils tous «sexiphonnés » ? Remède à l’ennui, simple passe-temps, expression de pulsions irrépressibles, jeu nécessaire, sport agréable ou soupape du bien-être ? C’est quoi au juste le sexe, et dirige-t-il réellement le monde ? Pour Alice, le sexe est peut-être l’un des derniers territoires de liberté, un lieu où l’on peut vraiment exister. Et si le sexe était in fine l’opium du peuple ? Par lettres interposées, Alice ne manquera pas de faire part de ses impressions à sa sœur restée dans ses montagnes suisses.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le sexe est partout, sur les affiches, dans la rue, sur Internet, dans la littérature et les conversations de comptoirs. Il fallait donc bien une BD qui s’interroge sur l’omniprésence du sexe dans les sociétés contemporaines. Simple mode ou art de vivre ? Illusion ou « outil contre l’ennui » ? Anne Baraou, en scénariste expérimentée, s’interroge ici sur un véritable phénomène de société qui envahit toutes les sphères de la vie quotidienne. Avec un humour subtil et un propos sans fard, évitant judicieusement la moralisation ou l’hypocrisie, ne sombrant jamais dans une posture racoleuse, la scénariste aborde le sexe sous toutes ses coutures : prostitution, tourisme sexuel, plaisir, sentiment amoureux, porno, rapport ambigu, fantasmé ou simple qu’entretiennent les uns et les autres avec la chose… Une foule de thèmes est ainsi abordée sur un ton gouailleur, avec légèreté mais sérieux, en tout cas loin des sentiers battus. Le résultat est souvent intéressant et drôle. Le dessin d’Adrienne Barman, quant à lui, économe et lisible sans être fantastique, illustre le message avec naturel et simplicité. Le sexe fait parler, jouir, aimer et fait faire des BD aussi, personne n'y échappera. Au final, seul le côté intello de la BD pourra rebuter… ou, au contraire, intéresser. A chacun de voir. En attendant, un bon petit moment de lecture, après lequel on a pourtant le sentiment d’être encore plus perdu que jamais sur le sujet…
