L'histoire :
Le FBI ne sait plus quoi faire avec le dangereux agent Red Ketchup. Le directeur tente de le garder sous son contrôle, car le dur-à-cuir sème la désolation partout où il passe. Du coup, il lui affecte de petites tâches, comme former de jeunes agents. Mais Ketchup est trop violent et il blesse sans arrêt les nouvelles recrues lors des démonstrations. Il est alors changé de service mais reste toujours sous surveillance du bureau. Cette fois, il fouillera les poubelles récupérées comme pièces à conviction. Red est si dévoué qu’il met à sac tous les sacs de poubelles de la vile et va même jusqu’à fouiller la corbeille du chef ! Cette fois, c’en est trop ! Red Ketchup est sommé de se faire psychanalyser pour calmer ses instincts violents. Cependant, la séance ne dure pas bien longtemps : la psychanalyste est prise de démence et tire sur la foule d’un centre commercial proche. Le directeur abat sa dernière carte : il va satisfaire Red Ketchup en lui proposant une nouvelle mission délicate. Il doit protéger les dindes, symbole national des USA, contre leur disparition et leur extinction. Red Ketchup est tout heureux de retourner sur le terrain, mais il ne comprend pas que cette mission est un leurre. Comme il ne pourra jamais réussir, puisque les dindes ne sont pas menacées, il sera occupé pendant longtemps sans faire de vagues. C’est mal connaître Red Ketchup !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Revoilà l’agent vraiment très spécial Red Ketchup. Ce policier à la sauce américaine est surtout une incroyable parodie des récits de ce genre. Il faut dire que les auteurs québécois de la série se permettent tous les délires possibles. L'album commence par exemple comme une parodie de James Bond. De façon comique, le directeur ne cherche pas comment protéger son agent mais plutôt comment s’en débarrasser. La suite n’est qu’une montée en puissance de l’humour, qui garde à l’esprit une intrigue plus classique. Le tout est diablement habile puisque les auteurs se plaisent à parodier des grands récits. L’histoire tient tout à la fois des scénarios fantastiques d’Edgar P. Jacobs, tandis que Ketchup lui-même a des faux airs de Tintin. Le dessin façon ligne claire est aussi un pastiche des grands maîtres de la bande dessinée franco-belge. Le parallèle s’arrête là, car cette version est totalement déjantée, à l’image du méchant de l’histoire : le docteur Künt est un savant fou, subtil mélange entre le dangereux Mitsuhirato de Hergé et le docteur Moreau de H.G. Wells. L’intrigue se déplace au Japon et, non content de parodier de célèbres œuvres littéraires, les auteurs multiplient les clins d’œil quant à la situation du pays. Mieux : la base de leur histoire emprunte à la mythologie nippone (et les Godzillas) pour un résultat… énorme ! Les dialogues sont percutants d’humour et les idées toutes plus farfelues les unes que les autres. Rarement la bande dessinée aura trouvé un si parfait équilibre entre aventure et parodie, entre hommage à de grands classiques et pastiche : un scénario jubilatoire et plein d’intelligence. Les personnages sont bien marqués et notamment Red Ketchup, une sorte de Punisher québécois qui sème le désordre dans les bureaux du FBI. Au dessin, Réal Godbout n’est pas en reste et offre un étonnant alliage entre style propre et pastiche des auteurs ligne claire. Les décors ont beaucoup pompé sur Le Lotus bleu, tandis que les poses des personnages ressemblent fortement à celles que l’on trouve dans Blake et Mortimer. Entre hommage au passé et modernité, cette série est attachante et paradoxalement originale.