L'histoire :
Avant d’arriver dans la savane africaine, Charlotte avait pourtant été prévenue : son guide, Dario Ferrer, gardien de la réserve naturelle et ancien mercenaire au passé trouble, est un misanthrope« rugueux ». Aussi, le premier contact est-il des plus froids. Dario méprise le reportage photo qu’elle cherche à faire et considère sa personne toute entière comme une « vulgaire » citadine en mal d’aventures. A ses côtés dans le land-rover, Charlotte comprend peu à peu l’origine de cette acrimonie profonde et généralisée pour l’humanité. Entre autre, des braconniers tuent au quotidien « ses » rhinocéros, uniquement pour leurs cornes qui trouvent un juteux profit sur le marché du sexe nippon. Aussi Dario n’hésite t-il pas à les chasser à balles réelles… ou quand le besoin l’exige, à l’arme blanche. Tandis que Charlotte tente de saisir les motivations de chacun, elle et Dario sont appelés à se rendre à la frontière de la réserve : une épaisse fumée noire se détache en effet à l’horizon. Dario en déduit que le gouvernement actuel vient de mener une action militaire d’ampleur contre des rebelles. Poussée par sa curiosité et son humanisme, Charlotte décide Dario à traverser le fleuve pour vérifier que personne n’a besoin d’aide. Grave erreur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La place d’Hermann au sein de la collection de prestige rénovée Signé, était d’emblée réservée. Dès la première planche, on se prend une baffe magistrale. Quatre cases magnifiques, illustrant autant d’animaux sauvages, plantent le décor de la savane africaine. Et le plus dément, c’est qu’il y en a 51 autres qui suivent comme ça, toutes d’un degré de finition et d’un raffinement exceptionnels… Hermann est décidément devenu l’un des maîtres incontestables de la technique de la couleur directe. Et on a l’impression qu’à chaque album il monte encore d’un cran son niveau d’exigence par rapport au précédent. Côté propos, les charmes et les drames de l’Afrique subsaharienne sont ici réunis avec brio. On se laisse immédiatement absorber par le cadre, foncièrement dépaysant de la Tanzanie et par la cavale immédiatement intense du couple vedette antinomique. Charlotte est aussi « civilisée » que Dario est « sauvage ». Charismatique et sulfureux, mais non totalement dénué d’une certaine humanité, ce protagoniste et l’aigreur de ses réflexions symbolisent le regard sans concession qu’entretient l’auteur pour ses pairs. Hermann met ici en perspective la nature sauvage et la folie des hommes, avec un point de vue particulièrement virulent. Comment, en effet, ne pas être révolté devant tant de perversions nidifiant au cœur d’un si beau continent ? Ce constat est à la fois nihiliste et réaliste, et la conclusion assénée avec détachement fait froid dans le dos. L’album refermé, la tête toute ébouriffée de l’intérieur, on se penche sur cette étrange couverture, mettant en scène l’antihéros planté benoitement au pied d’un baobab noir, sur fond crépusculaire…