L'histoire :
A New-York, en 1898, une jeune femme nommée Belle Greener, se rend dans une librairie. Le libraire lui tend un livre, une vieille édition que Belle cherchait depuis longtemps. Elle l'achète à un prix défiant toute concurrence. C'est un beau cadeau qu'elle se fait. Elle commence à feuilleter l'ouvrage sur le chemin du retour, dans le bus qu'elle emprunte. Mais elle doit lever la tête, car le conducteur interpelle un passager, et il n'est absolument pas content. Il s'agit de la femme qui s'est installée juste derrière Belle. Elle est noire et elle n'a pas l'autorisation de monter à bord du bus en raison de sa couleur de peau. Belle est choquée, détourne le regard. Un homme la prend par l'épaule : il ne faut pas qu'elle reste ici, on ne sait jamais comment ces gens-là peuvent réagir. Le bus repart, laissant sur le trottoir la femme noire. Belle la regarde s'éloigner, triste et troublée. Le lendemain matin, Belle est en compagnie de ses frères et sœurs, et leur mère les rejoint. Elle doit leur parler. Elle a appris la veille que ses enfants avaient conclu un pacte : le passing. Ils souhaitent pouvoir évoluer dans la société sans être victimes de discriminations à cause de leurs origines. Alors ils ont pris la décision de changer de nom, pour un nom portugais et européen qui pourrait expliquer leur couleur de peau halée, et n'auront pas d'enfants. Ils n'attendent plus que leur mère pour franchir ce cap ensemble et pactiser avec l'oppresseur. Dans un premier temps, leur mère refuse la fuite de leur identité. Mais elle se ravise. Ils changent de nom et deviennent la famille Da Costa Greene. Ainsi, les origines de leur père seront camouflées, et ils n'y seront plus associés. Belle espère pouvoir réaliser son rêve de devenir bibliothécaire et monter les échelons de la société.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nicolas Antona au scénario et Nina Jacqmin aux illustrations (George Sand ma vie à Nohant), collaborent une nouvelle fois ensemble, après avoir travaillé il y a quelques années sur la bande dessinée La tristesse de l'éléphant. Leur histoire complète revient sur la vie de Belle Greener, une jeune femme qui a réellement existé, qui cachait un lourd secret sur ses origines à une époque où la ségrégation raciale faisait rage, et qui a réussi à gravir les échelons et à devenir une femme influente, la mieux payée de son époque. Belle, avec l'ensemble de sa famille, change de nom pour ne pas être victime de discriminations. Elle travaille en tant que bibliothécaire et côtoie des gens très bien placés qui lui font confiance et lui permettent d'évoluer. La bande dessinée suit Belle Greener dès le début de sa vie de jeune femme. Nous la voyons ensuite vieillir et évoluer professionnellement. Elle reste aux aguets en permanence, elle sait qu'elle a commis une infraction en s'inventant des ancêtres portugais, qu'elle peut être découverte à tout instant. Mais elle veut vivre, elle veut être libre, sans que la loi de l'unique goutte de sang ne l'entrave. Considérée pour certains comme une traîtresse, reniant ses origines et sa propre identité, elle se remet en question régulièrement. Pourtant, le fait de pouvoir affirmer son intelligence et s'épanouir professionnellement n'a pas de prix, elle est prête à tous les sacrifices. Comme à son habitude, Nina Jacqmin livre de très belles planches, douces, avec un aspect assez lisse, qui nous immergent dans la New-York des années 1900. Un destin de femme étonnant, à découvrir dans ce nouvel album.
