L'histoire :
Léo gare son 4x4 devant une fermette de campagne. Une cigarette éteinte au bec, l’œil noir, il descend à l’atelier pour saluer Valentin, un voisin plus jeune que lui. S’engage alors une curieuse conversation : Léo semble maître du destin de Valentin, mais il refuse de lui en parler. Parallèlement à cela, un autre voisin, Denis, appelle Margaret sur son téléphone portable. Elle se réveille au volant de sa voiture garée en pleine nature. Elle a un trou de mémoire : comment s’est-elle retrouvée ici ? Denis comprend aussitôt qu’un drame est en train de se produire. Il faut absolument qu’elle reste concentrée ! Mais c’est trop tard : Margaret a déjà… disparue ! Denis part en trombe. Aux abords d’une fermette voisine, sa voiture frôle Alice, la sœur de Léo, pas très contente. Alice rentre chez elle et trouve son frère attablé en train de bosser devant son ordi : Léo est écrivain. Il est dans sa bulle. Pendant ce temps, Denis arrive chez Kantell complètement tourmenté. Il lui raconte ce qui est arrivé à Kantell. C’en est trop, il est grand temps de parler à Léo, pour qu’il réagisse et évite l’hécatombe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tenez bon : au début, ce one-shot emprunte la forme du récit chorale, dans une angoisse sourde et partagée par chaque protagoniste, tous plus ou moins voisins les uns des autres, dans un coin de campagne… et on ne pipe rien à ce qui se trame. Rassurez-vous, c’est normal : vous allez finir par comprendre pourquoi. Il est en revanche difficile d’en parler ici sans déflorer le suspens… et nous tenterons donc de le préserver au maximum. Avouons juste que le petit microcosme contemporain et champêtre mis en place par l’auteur, Clarke, se délite. Et pourtant le registre n’est pas exactement fantastique. Désarmées et impuissants, des personnages disparaissent ; un prégnant arôme apocalyptique se dégage du moindre dialogue… Les arrière-plans parfois évanescents (comme la couverture), au sein d’un graphisme semi-réaliste idoine, renforcent cette impression d’altération irrévocable. Avec des albums comme Mister Président, Mélusine, Cosa Nostra, on avait pourtant plus l’habitude de croiser Clarke dans le registre humoristique. Pour la prestigieuse collection Signé du Lombard, cet auteur complet se remet donc en « mode sérieux », même si le cœur de la trame de cet album n’a rien de matérialiste. Clarke joue ici avec les mises en abyme et confronte le créateur et sa créature dans un continuum commun. Le propos est intéressant, à défaut d’être tout à fait original (il rappelle notamment le film Fenêtre secrète, avec Johnny Depp). Il a au moins le grand mérite de déstabiliser le lecteur, jamais certain de ce qui peut se produire, et d’engager Clarke sur un créneau plus risqué et plus intéressant.
