L'histoire :
Old Pa et Old Ma Anderson, un couple de vieux noirs retraités, coulent de paisibles vieux jours dans une bourgade rurale du Mississipi. Old Pa s’offre de temps à autres une séance de galipette tarifiée, mais Old Ma ne veut rien savoir. Ce soir-là, Old Ma ne se sent pas très bien, à table. Elle préfère aller s’allonger un peu. Old Pa la retrouvera morte d’une crise cardiaque lorsque lui ira au lit. La petite communauté noire l’enterre le lendemain. Old Pa regrette de n’avoir jamais réagi lorsque leur petite Lizzie a disparue, huit ans plus tôt. Il pense que sa femme est morte de chagrin. Quelques jours après l’enterrement, son ami Otis vient lui causer. Il lui avoue qu’il tait un secret depuis huit ans. En effet, le jour où Lizzie a disparu, la fille d’Emmet aurait « vu quelque chose ». Sur cette parole, Old Pa prend une décision. Il n’a plus grand’chose à perdre et il a désormais une piste. Il s’en va donc interroger Louise, la fille d’Emmet. Celle-ci finit par lui cracher le morceau, non sans craintes, alors qu’ Old Pa est attablé dans le saloon local. Il y a huit ans, alors qu’elle prenait le raccourci vers la route 22, elle a vu trois blancs qui embarquaient Lizzie dans une voiture, et Lizzie se débattait. Parmi eux, elle a reconnu le jeune qui travaille au garage Tulsa, qui se fait appeler Dixie. Old Pa finit sa bière puis se lève et part d’un pas nonchalant sur le raccourci de la route 22. Sa décision est prise, irrévocable…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
1952, dans le Mississipi… Une date et un lieu suffisent à définir le type d’intrigue proposé par le scénariste Yves H. et son père Hermann. Entre western moderne et thriller ségrégationniste, l’histoire de Old Pa Anderson prend surtout des allures de baroud d’honneur vengeur. A la mort de sa femme, un vieux noir va facilement enquêter sur l’assassinat de sa fille, puis la venger en tuant les trois blancs responsables. En ce sens, on peut trouver le scénario d’Yves H. caricatural, voire simple… La grande majorité des meurtres de ce type le sont, hélas. S’il avait été un film, ce one-shot aurait pu être tourné par Clint Eastwood (l’opiniâtre Inspecteur Harry et le vieux tueur d’Impitoyable). Yves H. livre assurément un scénario plus mémoriel que policier, comme le prouvent les témoignages compilés en fin d’album, revenant sur les années 50 encore largement racistes et violents envers la communauté noire, au début des années 50 dans les états du sud des USA – la ségrégation légale a officiellement pris fin en 1954, par un arrêt de la cour suprême. Bien qu’il ne soit jamais nommé, l’ombre du Ku Klux Klan plane sur le récit. Evidemment, l’ensemble est magnifié par le talent d’Hermann, qui gratifie une nouvelle fois ses fans de fabuleuses cases et séquences en couleurs directes. La traque de nuit est oppressante, les panoramas de jour tout en contrastes. Dans les deux cas, le rendu du blanc de la page, entre deux touches de lavis, est d’une grande subtilité. L’autre injustice majeure, en marge de ce bouquin, est que cet artisan capital de la bande dessinée n’ait jamais été honoré par la profession.