L'histoire :
Dans cet autre monde, les hommes ont leurs règles, et les femmes continuent néanmoins d'enfanter. La répartition entre les sexes est ainsi faite. Mais le mâle reste dominant, la société reste patriarcale, et les règles ne sont pas perçues comme un tabou, une honte, mais bien comme une possibilité de valorisation et de supériorité. Cela entraîne quelques travers. En Israël, au Vème siècle avant Jésus Christ, deux hommes sont en pleine rédaction de l'ancien testament, le Lévitique. Ils en arrivent au passage « Celui qui aura un écoulement de sang restera sept jours dans la souillure de ses règles. Si quelqu'un le touche, il sera impur jusqu'au soir ». Arf, oui mais non, il faudrait quand même trouver autre chose, car ça devient bien embêtant. « Si quelqu'un touche des vêtements souillés, il lavera les siens, se lavera dans l'eau et restera impur jusqu'au soir ». Ah non mais là c'est la goutte d'eau : il va être beau le peuple élu enfermé toute la journée dans la salle de bain, sans pouvoir se laver en plein désert ! Non ça ne va pas du tout... Si nous partions plutôt sur « C'est l'épouse de celui qui a ses règles qui est impure ? » Ah oui, ça c'est bien, c'est très bien même ! Allez, adjugé !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Eric la Blanche est journaliste scientifique, et auteur spécialisé dans les questions de genre et d'écologie. Il a déjà sorti un essai célèbre Le connard, enjeux et perspectives et d'autres titres sur des sujets de société, avec un ton décalé. Sur ce titre, il est accompagné de Camille Besse, dessinatrice de presse dans des journaux tels que Marianne, Causette ou L'Humanité. Tous les deux ont déjà collaboré, sur la BD La pollution cachée des choses et sur une série d'animation Canal+. Ils sont partis ici d'un point de départ, un article publié en 1978 dans Cosmopolitan, où la féministe Gloria Steinem posait cette question : « A quoi ressemblerait le monde si les hommes avaient leurs règles ? ». Elle concluait de façon déroutante en indiquant que « les menstruations deviendraient une manifestation de virilité enviable dont on pourrait se vanter ». Un certain point de vue qui peut être discuté, mais qui peut aussi être développé. Et même si cette phrase commence à dater, elle interroge des sujets qui restent brûlants d'actualité. Pour réfléchir à cette pensée, les auteurs ont choisi d'utiliser le ton humoristique, dans le dessin, mais aussi dans les dialogues. Ils nous proposent un enchaînement de petites scènes qui se déroulent à des époques différentes, et qui mettent en avant des passages historiques marquants, en les détournant, mais pas trop. Les menstruations sont ici un prétexte pour se questionner sur les rapports de domination entre les sexes. Cette BD instructive, couplée d'un dossier sur les faits historiques évoqués, est certes humoristique, mais sans en avoir l'air, elle soulève des questionnements profonds chez le lecteur (et la lectrice !).
