L'histoire :
Le 10 mai 1968, Paris connait une grosse insurrection syndicale et estudiantine. Des barricades sont montées, des pavés sont jetés sur les CRS, des voitures sont incendiées… Le lendemain matin, c’est un champ de ruines dans le quartier latin. Le premier ministre Pompidou réclame à ses ministres un retour rapide de l’ordre républicain. Il ne sera pas pour tout de suite… Pendant ce temps, Aimé Bacchelli, une ordure de collabo, rescapé de l’après-guerre et toujours conseiller de l’ombre de l’Elysée, s’inquiète. Quelqu’un cherche à lui nuire et envoie au compte-gouttes des informations sur son passé sulfureux à la presse. Une journaliste d’origine juive, Simone Baroux, l’a effectivement pris dans son collimateur et ne compte pas le lâcher. Bacchelli veut savoir quelle est la taupe qui la renseigne aussi bien, sans y parvenir. Il possède toujours le répertoire de dizaines de milliers fiches cartonnées à trous, bien caché quelque part, qui catégorise en détail la population française… Et il sait utiliser ce levier pour faire du chantage. En attendant, en grand manipulateur à la tête d’une officine de l’Elysée, il mobilise ses hommes de main, parmi lesquels Jean-Pierre Laborde, pour briser les grèves. La rencontre entre les deux hommes est photographiée par Simone Barroux, qui construit mois après mois son enquête…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le sombre destin d’un bureaucrate salopard de la seconde guerre se poursuit, à travers le 4ème et dernier volet des Années rouge & noir. Bacchelli, car c’est bien toujours de lui dont il est question, doit enfin rendre des comptes sur son passé. Et sans en révéler de trop, il faut bien s’attendre à ce que ces comptes soient à la mesure de sa forfaiture. Bacchelli est fictif, mais il surnage ici au milieu d’acteurs d’Etat authentiques (Pompidou, Pasqua, Garaud, Juillet, Chirac…) sur la période cernée, qui correspond en gros à la présidence Pompidou – 1968-1974. Une présidence qui est ici montrée sans scrupule lorsqu’il s’agit de biaiser le droit afin de mettre l’ordre républicain dans son rang. Au cœur du dispositif élaboré par les coscénaristes Pierre Boisserie et Didier Convard, la journaliste du titre Simone est quant à elle un « monstre » composée de Simone Veil (pour le prénom et la judéité) et de Françoise Giroud (pour la profession et le destin ministériel). On retrouve évidemment aussi Agnès et son frère ennemi Jean-Pierre, eux aussi fictifs, avec des rôles de première importance. Bien que romancée, cette immersion dans les arcanes sanglantes et obscures (soit le rouge et le noir) de la fin du gaullisme est documentée, sensible et crédible. Stéphane Douay se charge une nouvelle fois du dessin, via un découpage et des cadrages variés, qui assurent le dynamique de la mise en scène. Son talent de caricaturiste est inégal (Pasqua est réussi, Pompidou beaucoup moins), et il insiste peut-être trop sur les faciès grimaciers des « méchants », ce qui accorde un léger sentiment de manichéisme à ce dernier opus.